Tu étais un trou qui avale l'obscurité.

Adelphine

Ali, c'est vrai, t'étais un peu comme une fêlure, une crispation incomprise et la douleur indélébile s'écrivait sur ton front. Plus rien n'était assez bien, plus rien ne valait la perte qu'on l'on t'avait causé. Rien ne ramènerait ce que t'avais tant aimé, ce que t'avais forgé de tes mains pleines de désespoir et de souffrance. Je sais, t'avais le bide vide, le néant se creusait là où il restait encore un bout de vivant sur ta chaire. Nos mains pêchaient les erreurs, nos cervelles se gonflaient de futurs lointains, de rêveries et d'incertitudes.

Ali, je t'aimais.

Ali t'étais comme dans un trou. Un trou vide qui respire l'obscurité. Non… Qui avale l'obscurité. Tu m'parlais  chaque jour de ce silence, qui pèse plus que n'importe quel cri, plus que n'importe quelle colère, celle qui se répand jusqu'à la dernière vertèbre et qui va jusqu'à remettre en question qui nous sommes.

Et ce silence là, il te parlait, rien qu'à toi. Il s'exprimait avec sûreté, crachant qu'on était que bouffée d'air, que l'on respire, que l'on expire, mais que l'on n'inspire jamais.

On parlait des néants qui se plantaient en nous, de la peur qui nous déglutissait. On parlait de nos jeunesses en ivresse, tu m'disais que la vie était belle, et puis on riait jusqu'à tard le soir.

A partir de quand bascule-t-on ? A partir de quand pouvons nous nous considérer comme « mauvais », « nuisible » ? Mieux vaut-il pardonner, ou se venger Ali ?

Tu avais les réponses, là ou il y avait des questions, mais tu les gardais, enfouies en toi, et tu me regardais, vide, me disant au fond : « Les réponses ne valent pas grand chose, seules les questions que nous nous posons comptent, car les réponses changent suivant nos humeurs ».

J'aimais ton néant.

Je me souviens de tes cicatrices, celles de ton passé qui avait creusé si fort dans tes entrailles qu'il en avait laissé des traces. C'est vrai, t'étais un peu comme une fente, où l'on encastre les sentiments qui nous écœurent, là où l'on instaure le pardon que l'on ne peut pas accepter, la vengeance que l'on ne peut pas donner. Tu étais pour tous l'échappatoire que nous n'avions pas, une liberté que l'on attendait.

J'aimais ta chaire Ali.

Et puis tu m'as dit qu'au fond, tu étais humaine, que tu étais faible. Tu avais peur. Tu te cognais contre les parois que tu ne connaissais pas encore de toi. Mais Ali, je t'aimais, plus que tu ne puisses craindre le monde, plus que tu te posais de questions, plus que l'humanité.

Tes peurs. 

 

Maintenant tu es partie, maintenant que le ciel n'a plus d'harmonie avec la terre, je divague. Je me suis insurgé. Je me suis condamné, ne savant plus à qui pardonner, ni où me venger. Je suis démuni, dépourvu d'armure, d'âme pure, sans plus aucune allure. Je me suis posé des questions inutiles, je me suis demandé qui j'étais.

Je me suis noyé dans l'océan au goût de mes larmes salées.

Je n'étais ni bon, ni mauvais. Je n'étais qu'un corps cicatrisant, qui avale l'obscurité.

J'étais un trou vide.

Une cascade en chute. Un saccage . Un sacré massacre.

Vivant de ton souvenir, qui s'embrume plus les jours passent.

Ma tête me tourne, comme dans un manège.

Aucune directive.


Ali tu me manques.

Signaler ce texte