Un ange qui s'évapore
sisyphe
Cela n'a jamais été mon monde. Les anges s'en sont détournés, il n'y a plus que moi. Il n'y a plus rien.
Plus rien que le bruit des vagues inlassablement fracassées contre une grève lugubre.
Sur laquelle je me tiens.
Dans les eaux froides et noires qui se massent à perte de vue je m'avance. Je connais les abysses qui s'y trouvent, je pose un premier pied sur un pont de pierres dont la voûte n'attend plus que de se briser... Au milieu du pont, j'arrive à jeter un regard à ce qui se trame plus bas. Dans les abysses, sur terre, tout n'est plus que violence. Ne me parviennent que des clameurs de haine, des hurlements de meutes déchaînées les unes contre les autres. Des masses informes se pressent, d’immenses cohortes d'animaux armés ne méritant plus le titre d'Hommes, rassemblés pour précipiter leur destruction finale.
Aller, lever la tête, trouver dans un ciel muet des gouttes d'espoir...Le ciel se dérobe déjà. Leur astre lumineux s'éteint et fuit face aux massacres. Quand même la lumière n'a plus de forces pour supporter d'illuminer le mal, quels raisons reste-il d'espérer ?
Quand plus rien ne nous maintient debout...Déjà un genoux à terre. Sous mon poids, le pont craquelle de toutes ses pierres. La poussière qui en tombe se répand silencieusement sur terre. Cette nouvelle neige recouvre le vacarme, stupéfaites, les masses s'arrêtent, lèvent la tête ne sachant pas d'où elle peut venir. Mais ça ne suffira pas. N'ayant pas de réponses, ils continuent leurs massacres.
Des soubresauts m'assaillent et prennent mon ventre et mes membres, de tout mon être je vomis cette « humanité ». Plumes par plumes, mes ailes s'éparpillent poussées par les vents d'une défaite résonnante. C'est mon espoir qui s'éparpille, défait.
Mes ailes sont pourries, alors, rien ne m'empêche plus de sombrer.
Mes larmes sont des gouttes de sang, c'est la dernière pluie qu'ils connaîtront avant que tout ne soit finit.
Avant que le soleil ne passe définitivement dans l'ombre, avant que tout soit noir.
Sublime. J'ai adoré "Dans les eaux froides et noires qui se massent à perte de vue je m'avance." En lisant ton texte j'avais les images l'accompagnaient.
· Il y a plus de 13 ans ·delphine
Le très controversé Sisyphe de la mythologie grecque nous livre là un très beau texte, sombre et dénonciateur, les Dieux ne pourront pas compter sur votre silence. Merci.
· Il y a plus de 13 ans ·leo
tes ailes ne me paraissent pas pourries du tout.
· Il y a plus de 13 ans ·saki