Un conte

aile68

Traverser les bois pour porter à ma cousine Valentine une corbeille de fruit frais et des petits pots de confiture. Rencontrer le loup, faire un brin de causette avec lui, en toute confiance, il m'a l'air bien sympathique avec son cheveu sur la langue. Rejoindre ma cousine Valentine dans sa maison tout en bois qui ressemble plus à une cabane, celle des trois petits cochons par exemple, je vous laisse imaginer de hauts buissons dorés, verts, fleuris. J'aime bien ma cousine, elle m'accueille toujours avec des galettes et des pâtes de fruit. Je sais bien que le loup m'a suivie mais je n'ai pas peur de lui, je peux même m'en faire un ami car je sais qu'il est gourmand. Valentine habite seule dans les bois peuplés d'animaux qu'elle a apprivoisés avec ses gâteries et sa gentillesse, des lapins comme dans "Bambi", des ours placides, des oiseaux guillerets, des écureuils facétieux, des biches, et un chien qui s'était perdu. Ce dernier au flair à toute épreuve a senti l'odeur du loup qui s'est caché derrière un fourré plus par timidité que par malice. Me croirez-vous si je vous dis qu'il souffre de sa mauvaise réputation de croqueur d'enfants? J'aimerais l'inviter à entrer chez ma cousine, mais je ne suis pas la maîtresse de maison. Comme le chien s'agite et se met à aboyer en s'approchant de la cachette du loup, Valentine le rejoint près du fourré. Le chien se calme soudain, le fourré tremble, le loup s'est enfui. Je le verrai peut-être au retour. 

"C'était le loup" je dis à ma cousine.

- Oui, je m'en suis doutée, c'est drôle il n'est jamais venu m'attaquer.

- Le bois est peut-être enchanté.

- Oui, ou peut-être que c'est lui qui est enchanté?

- Ah oui, ce serait bien, ça! Tu sais j'ai parlé avec lui tout à l'heure. Il est vraiment gentil, en plus il est drôle avec son cheveu sur la langue.

- Ah oui? Méfie-toi quand même! Allez entrons! J'ai préparé les galettes que tu aimes tant. 

- Oh merci! Tu es vraiment gentille".

Les galettes et les pâtes de fruits sont vraiment bonnes. Nous discutons à bâtons rompus, nous ne voyons pas l'heure tourner, il fait presque nuit.

" Il faut que je rentre maintenant. Il est tard, Maman doit être inquiète je dis à ma cousine.

- Oh tu ne vas pas rentrer maintenant! Je suis sûre que le loup va te manger.

- Ecoute, je vais emporter des galettes et des pâtes de fruit, je l'ai donnerai au loup si je le rencontre.

- Oui, prends tes pots de confiture aussi!"

Et je pars, certaine qu'il ne m'arrivera rien. Avant d'arriver au petit pont, je rencontre la bête dont tout le monde a peur. Moi c'est la nuit que je redoute, les yeux gris du loup sont comme des lumières dans le noir.

" Oh! Bonsoir monsieur le loup. Comme je suis contente de vous voir. La nuit me fait tellement peur.

- Viens, je vais te guider jusqu'au village.

- Non, si on te voit, on va te tuer.

- N'aie pas peur. Je resterai dans le bois. On ne me verra pas.

- Bon, j'espère je dis, pas rassurée du tout".

La nuit est devenue épaisse, je bute contre les pierres, m'écorche les genoux.

"Grimpe sur mon dos me dit le loup.

- Vous croyez?

- Grimpe, nous irons plus vite. Je suis habitué au noir".

Je m'exécute et bientôt je vois les premières lueurs des maisons.

"Voilà! Tu es arrivée. Je ne vais pas plus loin sinon on tirera sur moi si on me voit.

- Oh ce serait injuste, tu as été si gentil avec moi!

- C'est la vie! me dit le loup qui s'en va sans me dire au revoir".

Prenant mon courage à deux mains, je me dirige vers le village. J'aperçois très vite un petit groupe d'hommes qui visiblement cherche quelqu'un. Je comprends que c'est qu'ils cherchent. Etrangement je n'ai pas envie de rentrer chez moi, même si ma mère est morte d'inquiétude à cette heure-ci de la nuit. Obéissant à une sorte d'impulsion impérieuse, je décide de retourner dans le bois sans comprendre ce que je fais. Je me mets même à courir et tombe sur une pierre. Je ne pleure pas, mais qu'est-ce qui m'arrive quelqu'un m'aide à me relever.

"Attention, jeune fille".

J'ai l'impression de reconnaître la voix du loup, il a un cheveu sur la langue, j'en suis sûre. Et puis, est-ce que ce sont ses yeux qui brillent dans le noir?

- Monsieur le loup? je dis timidement sans trop y croire. Comment un loup a-t-il pu me relever, je me demande.

- J'étais un loup me répond-on. Cependant j'ai retrouvé ma forme de jeune homme car tu m'as fait confiance depuis le début et en acceptant de grimper sur mon dos tu as ainsi rompu le charme de la sorcière des bois.

- Quoi?

- Oui, tu peux me croire. Elle voulait que j'épouse sa fille afin qu'elle ne connaisse pas le même sort qu'elle. En refusant je me suis retrouvé en loup. Tout le monde la rejette à cause de sa mauvaise réputation. Dans ma peau de loup j'ai compris ce qu'on ressent quand on est rejeté. Veux-tu me faire une grâce? J'aimerais retrouver la sorcière et sa fille.

- Mais pourquoi? je demande toute éberluée.

- Je ne veux pas qu'elles continuent à souffrir.

- C'est noble de ta part. Mais que puis-je faire pour elle?

- Tu es la preuve vivante qu'on ne s'arrête pas à la première apparence des gens.

- Bon, soit. Si je peux t'aider.

(à suivre)


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