Un monde en image.

Seb Fontenay Meaza

Aujourd’hui je veux qu’elle n’ait plus peur d’aimer.

Une métaphore est entrée dans ma vie. Mais comme elle était un peu timide cette métaphore, elle n'est pas venue seule.


Elle a ramené l'inspiration. Cette connasse nous a regardé dans le blanc des yeux. A froncé les sourcils et nous a foutu une grosse boite dans les mains. Une boite remplie de stylo et de crayons, de pinceaux et de feuilles. On y trouvait toutes les couleurs. Les plus folles. Les plus poétiques. Les plus dansantes. Toutes ces couleurs pour écrire notre histoire. C'était à nous de choisir. 


Alors comme un enfant que je suis j'ai plongé sur les crayons de bois pour commencer. J'ai dessiné des lettres, des lettres qui dessinaient des mots, des mots qui dessinaient notre rencontre. Ensuite j'ai pris un peu de rouge, et de bleu, j'ai nuancé ce début d'histoire, pour pas qu'elle ait peur. Parce que trop, trop vite et bien ça fait peur. À tout le monde. Sauf à moi peut-être. Parce que les enfants n'ont pas cette notion de limites sentimentales je crois. Mais pour le bien de notre caricature j'utilisais des pastels au lieu de teintes vives.


De son côté elle a pris une feuille, s'est mise un peu à l'écart. Elle a sorti de sa poche un bout de papier griffonné et tout plié, sur laquelle était écrit une autre histoire. Comme pour ne pas refaire les mêmes fautes, elle l'a lu et relu avant de commencer à écrire. Elle jetait des coups d'oeil dans ma direction comme pour me dire : « ehhhh tssss, c'est perso! j'veux pas que tu vois mes sentiments ». Alors je continuait à faire le zouave. En me disant que je déteindrais sur elle avec le temps…et quelques jolis mots. 


Puis a un moment elle est venue vers moi. M'a tendu sa feuille. J'ai lu attentivement. Mon esprit artistique a été mis à rude épreuve. Parce qu'elle cachait ses mots sous d'autres. Elle masquait ses sentiments sous des rivières de litotes et ses peurs derrières quelques euphémismes bien travaillés. Je devais me concentrer très fort pour savoir ce qu'elle voulait me dire. Mais à la fin, j'étais toujours aussi perplexe. Alors je lui ai donné mes mots. Et je suis parti. 


Quand je suis revenu elle avait changée. Elle était recouverte de couleurs. Comme les murs. Des post-it les recouvraient en partie d'ailleurs. Elle m'a repris la feuille qu'elle m'avait donné et l'a retournée. Et j'ai su. C'est comme quand une jolie page blanche commence a être gribouillée. Il suffit de la retourner pour qu'elle soit de nouveau vierge. Au verso de la première version, il y avait la deuxième. Un peu plus simple à comprendre. Et encore que. Mais j'ai su. J'ai su qu'à sa manière elle m'aimait. Même si elle ne le dira jamais. Parce qu'elle connait pas vraiment ce mot. Ou elle en a vraiment peur. 


Elle avait rendu mon monde meilleur. Comme une petite brise de joie qui se serait transformé en un cyclone de bonheur, elle a foutu un sacré bordel. En partant de rien. En poussant malencontreusement une porte en soirée. Une soirée grise et pluvieuse.


Une métaphore est entrée dans ma vie. Comme une enfant elle s'est amusée a souiller mon monde de couleurs plus vives les unes que les autres. Elle nous a raconté. À sa façon, en images. 


Elle nous a donné vie. Une vie plus intense. Et dans cette nouvelle vie, dans ce nouveau monde je me suis redécouvert. En même temps qu'elle je crois. Elle a arraché le masque d'adulte qui cachait mon visage d'enfant quand je lui ôtais tendrement celui qui l'empêchait d'aimer. Comme moins et moins font plus, noir et noir ont fait violet. Puis rouge et bleu, vert, rose et jaune encore. Elle a usé de ses talents pour que je me découvre, pour que je me trouve, pendant que j'essayais simplement de la faire rire. Mais aujourd'hui je veux plus être qu'à l'origine de son sourire. 


Aujourd'hui je veux qu'elle n'ait plus peur d'aimer. 

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