Une fenêtre sur l'humanité

Mickaël Carvalho

Aujourd’hui 7h02.

Les paupières lourdes et mon esprit ailleurs, je me lève comme chaque matin à la même heure depuis deux ans. Je me dirige encore et toujours en direction de la cuisine et je prends mon thé accompagné d’une tartine non beurée. Douze minutes viennent alors de s’écouler. Avec un timing en général parfait, la salle de bain s’impose pour moi comme étant l’autre pièce à investir. Je me glisse machinalement sous cette douche qui est mienne et me badigeonne le corps de ce liquide aux amandes douces. L’eau ne ruisselera sur moi que sept minutes plus tard, car cette odeur suave d’été se devait d’être imprégnée sous ma peau. Il me reste bien souvent cinq minutes, trois cent secondes pendant lesquelles mon cœur bat tellement fort qu’il en sortirait presque de mon thorax. Le miroir, mon fidèle ami, me procure la certitude de ce qu’elle verra et mes sens me fournissent la confiance qu’il me faut pour être fort chaque jour.

Aujourd’hui 7h28

Je retourne dans ma chambre et m’approche de la fenêtre. Mon regard semble perdu au dehors, recherchant celle qui donne un sens à ma vie. Celle qui m’octroie le droit de vivre et de ressentir ces émotions qui me rendent étrangement homme. Et soudain, elle apparaît au loin, aussi belle que la veille. Plus elle s’approche et plus mon cœur s’emballe, j’essaye de rester calme et je mets en avant ma peau douce et parfumée, mon sourire et mes yeux amoureux. Elle est enfin devant moi… Et sans un bruit, elle continue son chemin, sans me parler ni même me faire un signe ou tout simplement me regarder. Depuis deux ans, j’espère qu’elle m’esquissera un sourire et que celui-ci sera la première pierre d’un bel édifice qui sera notre histoire.

Aujourd’hui 7h36

Notre histoire avait déjà commencé des mois auparavant, quand j’ai pour la première fois exécuté ce rituel matinal afin qu’elle me voie. Si cette relation d’apparence à sens unique est née d’un lien entre deux personnes, alors je sais d’où elle vient. Elle est issue d’une obsession pour cette jeune fille qui prend chaque jour possession de mon corps et agit pour moi. Cependant, une autre obsession rend possible cette communion entre nos deux personnes. Celle qui pousse la fille de mes rêves à éviter mon regard chaque matin, malgré la pression que j’exerce sur elle. Nul n’a raison et nul n’a tort, car ces gestes et pensées ne pourront se détacher de nous-mêmes, à moins que l’objet ou la personne de nos fantasmes nous ramène tout bonnement à la réalité.

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