Une lueur dans la nuit

faustine

Clin d’œil sensuel d'une jeune maîtresse à son amant.

La scène se passe dans un studio, rue Blainville, Paris 5e.


Ce soir, j'ai rendez-vous avec toi, mon amour. Tu as été engagé pour jouer avec ton trio – clarinette, contrebasse, guitare – dans une boîte à jazz de la rive gauche. Comme tu rentres d'un séminaire à l'étranger, et que tu as déjà ta clarinette avec toi, tu y vas directement depuis l'aéroport. Je te retrouverai donc là-bas.

Je suis folle de joie à l'idée de te revoir enfin. Trois semaines que nous ne nous sommes vus, embrassés, aimés… j'ai intérêt à me faire belle ! Avant cela, j'ai nettoyé tout l'appartement à fond, fais les courses, rempli le frigidaire, changé les draps et cætera.

Je commence par ma toilette. Me fais couler un bain moussant, façon Cléopâtre, sans lait d'ânesse néanmoins, mais doux, si doux… Ensuite, procédons au maquillage, avant de me vêtir ; il fait trop chaud dans le petit studio. La nuit tombe, on appelle ça entre chien et loup sauf que le loup n'y est pas encore. Quelques applications de grimage et de fard à paupières plus tard, il est temps de choisir la suite. Je m'applique. Joli soutien-gorge et juste ce qu'il faut dedans, culotte arachnéenne, mignon corsage en dentelle, jupe gitane. Avec, sous la jupe gitane, le plat de résistance… porte-jarretelles et bas de soie. Tu aimes le contact de la soie sous ta main. Remonter sous la jupe pour découvrir la fine bande de chair entre les bas et la culotte. La peau y est si fine, presque transparente, et toi… tu fonds.

Et moi, j'aime le rituel qui procède à l'enfilage des bas. Un à un, en prenant appui, chaque pied à son tour, sur la chaise. Devant la fenêtre ouverte, pour profiter de la fraîcheur du soir qui tombe, et éviter une transpiration inopportune. Il fait nuit maintenant. J'allume la petite lampe et, une fois la culotte enfilée, j'y vais. D'abord on fait le poing, qu'on insère dans le bas jusqu'à son extrémité, histoire d'ouvrir la voie. Ensuite, on l'enroule sur lui-même – il est recommandé d'opérer avec des gants s'il s'agit d'une soie fine – après quoi, on le déroule méticuleusement, avec toute la délicatesse requise pour que les petits doigts de pied s'installent à l'endroit du renfort et que le talon suive dans sa courbe naturelle pour se mettre en place posément. Enfin vient le pur plaisir dans toute son essence, il s'agit de remonter très précautionneusement le bas le long du mollet, jusqu'au genou. Il est recommandé d'effleurer narcissiquement le joli renflement dudit mollet afin d'en vérifier l'attraction sensuelle. Cet instant divin révolu, il ne reste plus qu'à refermer l'écrin en élevant le bas jusqu'en haut de la cuisse pour, enfin, l'enchâsser dans le porte-jarretelles… mission accomplie, sans aucun accroc.

Mais que le temps passe vite ! Encore un peu et je serai en retard. Vite le corsage ! La jupe ! Un ultime regard au maquillage, à la coiffure, tout est parfait, un coup d'œil dans mon sac pour vérifier que je n'ai rien oublié, clés, cigarettes, monnaie… tout y est. Pour plus de prudence, je vais fermer la fenêtre. N'importe qui pourrait escalader en mon absence.

Je constate en passant qu'on joue toujours Les Enfants du Paradis dans le petit cinéma, de l'autre côté de la rue. Machinalement, mon regard remonte le long de l'enseigne lumineuse, jusqu'au joli balcon qui la surplombe. Derrière la fenêtre de l'appartement d'en face, dans l'ombre, un minuscule point rouge attire mon attention. Le bout incandescent d'une cigarette. Tiens, je n'avais pas remarqué que nous avions un nouveau voisin.

Lui, par contre…

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