Une Nuit Occitane.
Noa Lowe
Les nuits étaient déjà chaudes dans cette partie du sud de la France. Samuel étudiait. Ou il essayait. Au dehors, la ville était en effervescence. Le festival annuel de musique de rue battait son plein et son minuscule studio étudiant donnait sur une des rues principales du centre ville. Sous sa fenêtre, le rythme endiablé des djembés faisaient bouger ses pieds contre sa volonté et empêchait sa cervelle de se concentrer sur ses cours d'histoire.
Après des heures à tenter en vain de travailler un tant soit peu, il abandonna. Il rangea ses livres, ses cahiers et attrapa son portable. Il envoya un SMS à son meilleur ami.
« Vous êtes où ? »
Quelques secondes plus tard, l'appareil vibra.
« Au café du port ! Tu viens ? »
« Ouais »
« Cool »
Sam se rua dans la salle de bain. Il prit une bonne douche et s'habilla. Un simple tee-shirt noir sur un jean noir ferait amplement l'affaire.
Moins de quinze minutes après son abandon, Sam était au milieu des fêtards. La musique était assourdissante, les gens dansaient sans regarder où ils allaient ou ce qu'ils faisaient, le bousculant sans ménagement. Mais, à chaque fois, il avait droit à un « Excus' ! ». L'ambiance était bonne enfant. Pour l'instant. Il était tôt encore.
Il s'arrêta plusieurs fois, écoutant un bout de jazz, un morceau de ska, un brin de roots. Il n'était pas très loin du café du port et il prit tout son temps pour y aller. Il but une bière, fuma discrètement sur un pétard et continua en bougeant les hanches aux rythmes des musiques qui longeaient son trajet.
Il arrivait en vue du café quand un rythme de djembé accrocha son oreille. Il n'était pas particulièrement fan de cet instrument mais il y avait quelque chose qui lui plaisait. Ses hanches et ses pieds bougèrent sans son consentement et le menèrent vers le musicien. Il ouvrit les yeux, qu'il n'avait pas eu conscience de fermer, et tombant dans le tourbillon sans fond d'un intense regard noir. Il en eut le souffle coupé et s'arrêta de danser sous le choc. D'un bref mouvement de menton, le musicien lui intima de recommencer. Sam frissonna malgré la chaleur ambiante. Son corps ondula doucement, au rythme des mains du beau black qui jouait. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi il se laissait entraîner mais Sam laissa la musique envahir ses oreilles et le reste de son corps sans résister. D'ordinaire, il n'était pas sensible à la beauté noire. Il était plutôt beau brun asiatique mais celui-là avait quelque chose. Ses traits fins peut-être ? Le charisme incroyable qu'il dégageait quand il jouait ? Il l'ignorait et il s'en foutait. Le moment était intense, prenant et sensuel. Il dansait pour cet inconnu qui le dévorait des yeux comme s'il était le meilleur morceau de viande qu'il n'avait jamais vu de sa vie. Cela aurait du le déranger mais il n'en était rien. Cela l'excitait. De sentir le désir brûlant de ce regard noir couler sur son corps lui faisait oublier qu'il était au beau milieu de la rue, entouré par d'autres corps anonymes qui dansaient. Quel était ce rien qui avait transformé sa soirée studieuse en une danse fiévreuse ?
Sam ne se rendit même pas compte que la musique s'était tue. Son esprit s'était perdue dans une brume sensuelle où seuls brillaient les yeux noirs.
- Tu es beau quand tu danses, murmura soudain une voix grave et oh combien sensuelle dans son dos.
Il sursauta et son dos rencontra le torse puissant d'un autre homme. Il sut, sans avoir à se retourner, qu'il s'agissait du musicien. Son parfum musqué inonda ses narines et Sam inspira profondément. Les battements de son cœur accélèrent et une douce chaleur que le jeune homme connaissait bien envahit son ventre.
- Tu n'es pas si mal non plus quand tu joues, répondit-il en se retournant.
Aussitôt, il replongea dans le vortex des yeux noirs. Ils étaient sans fond ces yeux là. Quand ils vous attrapaient, plus rien ne pouvait vous sauver. Et Sam n'aurait voulu pour rien au monde qu'on le sauve. Il y avait des eaux troubles sur lesquelles on s'embarquait les yeux fermés.
Il était beau cet homme là. Avec son nez fin et droit, ses lèvres charnues et ses yeux en amandes. Avec ses longs cheveux raides retenus en arrière, sa barbe de trois jours et un sourire à faire pleurer la Joconde. Sam n'osait regarder plus bas. Mais le doigt qui se glissa dans la ceinture de son jean attrapa son attention et ses yeux glissèrent sur les pectoraux puissants et le ventre plat. Le jeune homme inspira profondément. Il s'était endormi sur ses cours, il ne voyait pas d'autre explication à ce rêve éveillé. Jamais encore un type pareil ne s'était intéressé à lui.
- J'ai fini pour ce soir. Ça te dit de faire un tour avec moi ?
- Pourquoi pas ?
Il n'avait pas réfléchi. Non, il ne pouvait pas. Des amis l'attendaient. Mais il chassa le souvenir de son meilleur ami au loin et prit la main que le beau black tendait vers lui.
L'homme qui l'accompagnait était un amoureux de la musique. Ils s'arrêtèrent devant tous les groupes, dansèrent un peu, burent un bière, s'amusèrent follement dans l'anonymat de la foule. Sam n'osait lui demander son prénom de peur de briser la magie de l'instant.
Puis au détour d'une ruelle, il le plaqua contre un mur, à l'écart de l'agitation qui semblait avoir saisi toute la ville. Sam en eut le souffle coupé. Il était là, le dos contre la pierre froide, coincé par le corps chaud de sa rencontre fortuite et le regard noir. Le sérieux anoblissait ses traits et Sam fut incapable de dire ou de faire quoique ce soit tandis qu'il se penchait sur sa bouche. Si le premier contact de ses lèvres fut doux, le baiser devint vite exigeant, provoquant un feu aux creux des reins qui menaçaient de lui couper les jambes. Il se sentait faible face à cette fougue, se laissant dominer totalement. Les mains désespérément accrochées au tee-shirt de son assaillant, Sam subissait l'attaque en gémissant sourdement.
Deux mains larges et puissantes attrapèrent ses fesses et le cœur de Sam fit une embardée en sentant le renflement imposant du jean de son assaillant. Oh Dieu ! Le désir explosa, l'électrisant complètement. Tous ses nerfs s'affolèrent. La moindre pression, le moindre souffle d'air sur sa peau, le moindre son, le moindre goût semblaient n'avoir pour but que de le plonger un peu plus dans cette bulle de plaisir sensuel créé par cet homme rencontré au hasard d'une musique tribale. Un gémissement plaintif lui échappa. Un grondement sourd lui répondit. Les mains sur ses fesses raffermirent leurs prises et le hissèrent contre le mur, brisant ce baiser dévoreur d'âme.
En plongeant ses yeux dans le regard noir, Sam fut ému. Une émotion étrange qui le prenait à la gorge, face à ces prunelles insondables devenues liquide où se mouvait un désir brut. Il y lisait une envie animale, sans raisonnement, ni réflexion. Quelque chose d'instinctif, de pur, d'originel.
Sam noua ses jambes autour de ses reins et lâcha le tee-shirt. Avec une étrange fascination, il caressa ce visage à la peau si sombre, à la fois douce et rapeuse, le regardant baisser les paupières et chercher le doux contact. Les lèvres entrouvertes l'appelaient et Sam n'hésita pas à leur répondre. Il se pencha et l'embrassa. Cette fois, il prit le temps de découvrir leur surface, doucement, apprenant leur texture, leur goût avant de plonger sa langue entre elles. Il lui laissait l'entière prise sur ce baiser là, allant à son rythme, à sa manière, avec sa langueur et sa sensualité. Si l'autre l'avait entièrement dévoré, lui il apaisait une soif qu'il avait pas eu conscience d'éprouver.
Sam aurait pu rester des heures ainsi à jouer avec cette bouche insolente, le désir montait inexorablement et exigeait son tribu. Il s'écarta à regret, observa avec gourmandise les yeux noirs s'ouvrir un regard devenu brumeux.
- J'habite pas loin, souffla-t-il, peu sûr de sa voix.
Un sourire mutin éclaira le visage noir. Et lui vola un baiser avant de le laisser reprendre pied.
- Je te suis.
Sam sourit à son tour, un peu tremblant et lui prit la main avant de retourner se perdre dans la foule des festivaliers. Il avait froid malgré la chaleur de la nuit. L'unique source de chaleur qu'il ressentait était cette main qui tenait fortement la sienne. Il se sentait comme Orphée qui remontait des Enfers et qui craignait de se retourner et de voir la personne qui le suivait disparaître. Le trajet jusqu'à son studio lui parut une éternité et il eut un soulagement certain et impromptu en voyant la vieille porte défraîchie. Il accéléra le pas, pressé de retrouver un environnement familier où il pourrait retrouver une prise sur cette réalité qui lui échappait un peu. Mais une fois à la porte, il n'eut pas le temps de prendre ses clés dans la poche de son jean qu'il se trouvait plaquer contre la porte, une bouche dévorant méthodiquement la sienne. Comment réussit-il à sortir ses clés et à ouvrir la porte ? Sam l'ignorait lui-même. Son futur amant, Sam n'en doutait plus à présent, l'attrapa sous les fesses et le hissa dans ses bras.
- Quel étage ? Chuchota-t-il entre deux baisers.
- Au premier, répondit le jeune homme dans un souffle.
Ils titubèrent ainsi jusqu'au premier, incapable qu'ils étaient de se détacher l'un de l'autre. Ouvrir la porte du studio fut une épreuve pour leurs nerfs. Et quand ils furent enfin entrés, ils n'attendirent pas une seule seconde avant de se déshabiller l'un l'autre. Il y avait une folie dans leur geste, un désir brutal, une passion brûlante.
Le réveil fut difficile pour Sam. Le soleil inondait la pièce par le fenêtre ouverte et agressait sans ménagement ses yeux fatigués. Pendant quelques instants, il en oubliait pourquoi il était si fatigué, jusqu'à ce qu'il tente de se lever. Son corps protesta immédiatement, perclus de courbatures dont certaines en particulier qui lui rappelèrent sa nuit agitée. Malgré son corps, il se redressa et constata qu'il était seul. La déception l'envahit et une boule amère bloqua sa gorge. Il s'était passé quelque chose cette nuit. Un truc extraordinaire. Mais uniquement pour lui apparemment. Il se laissa retomber sur le matelas, les bras en croix, abattu. Il aurait aimé en savoir plus sur cet homme dont il ne savait rien, pas même son prénom.
Son bras rencontra alors quelque chose qui n'avait rien à faire sur son lit : un bout de papier. Un espoir insensé lui gonfla alors la poitrine. Soudain fébrile, il se redressa, attrapa le bout de papier et à mesure de sa lecture, un sourire éclaira son visage :
Doit partir travailler
Appelles moi ce soir :
06 xx xx xx xx
Faad.
Faad...
Sam retomba de nouveau sur le matelas, un sourire immense éclairant son visage et le petit mot sur le cœur.
Bravo pour cette nouvelle, douce et belle. Elle est pudique dans sa simplicité mais on comprend très bien ce qui se passe malgré la porte fermée.
· Il y a plus de 8 ans ·Emilie Levraut Debeaune
Je respire! Je m'étais même pas rendu compte que j'avais parcouru cette nouvelle suspendue à chaque phrase. C'est fluide, rythmé et, au grand BIP, aguicheur. Je voudrais telleùment connaître la suite!!!!!
· Il y a plus de 9 ans ·Ayashi Cel
Comme toujours j'aime ton écriture et tes mises en scènes ! C'était très agréable, vivement ton prochain texte !!
· Il y a plus de 9 ans ·Mohnn Bl