Une terrible beauté est née

Tu n’existes pas, pourtant tu es là. Tu me tiens la main à travers la mer qui nous sépare, tu te loves en mes maux pour te réchauffer. Tu es serpent. Malheureusement, ta mue ne peut être qu’idée. Intraitable, ta peau se craquelle des hommes ; tu préfères brûler que durer.

Je suis Ombre, je fraye dans la délicate onde de tes entrefilets. Envouté, Je me retrouve captif, déposant à tes pieds, en signe de reddition, deux secondes de mémoire vive ; morte d’avoir voulu se répéter plutôt que de se réinventer.

Tu es mon absolu. Tu fais de ma plume l’esclave de tes désirs les plus obsédants. Du tourment d’être, j’écrirai, pour te plaire, des livres sans fin. Tu apparaîtras,  disparaîtras, à ta guise, faisant de chaque moment passé  une nouvelle histoire prête à recommencer.

Tu es la femme serpent, ultime recours d’un auteur en mal d’écrire, ta morsure contient le vide, ton venin est fêlure, ton sérum est écriture, ta liberté est muse. Dans mes veines coule un liquide roussit par le feu de ton âme. De mes vaines coule une encre nourrit par le feu de ton âme.

D’avoir nagé en toi, d’avoir subi l’échauffement de ta moelle m’a ramené dans des eaux par trop salées pour mes blessures, ma peau brûle de cette folie, qu’importe, je suis heureux.

Le liquide sémantique a remplacé le liquide amniotique, et alors ? C’est la même douleur d’abandon, lorsque, arraché, je redeviens homme. Seulement je replonge sans cesse, mes poumons se consumant un peu plus à chaque respiration, espérant, encore et encore, parvenir à me noyer pour qu’enfin ton précieux parfum se mélange en moi et devienne air, que d’Ombre je devienne lumière.

Ma fin est proche, un soir sans lune je succomberai à mes outrages. Par mon sacrifice je t’offrirai l’autre, celui la même que je pensais à jamais enfermé et que tu viens de délivrer.

Une terrible beauté est née, pour qu’enfin, le temps d’une respiration saccadée, mon désir d’éternité se trouve complété. D’aucun l’appellerait hallucination ; pour ma part je préfère la nommer inspiration.