Vedette de mon monde

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Oublie que tu es célèbre, j'oublierai que je suis inconnu ! dixit Robert Sabatier

Comme c'est étrange, elle m'a encore dit bonjour. Enfin pas littéralement mais un petit signe de la main ainsi qu'un sourire, cela compte non ?

En général, je passe inaperçu, le monde environnant se déplace devant moi sans un seul coup d'œil pour moi.

Je suis invisible à leurs yeux obnubilés par leurs pensées respectives.

Je n'existe pas, tel est mon destin. Disons que je ne fais pas énormément d'efforts de mon côté.

Certains ont besoin d'exister aux yeux des gens, de la société, du monde et de son univers!

En ce qui me concerne, moins je suis le centre de l'attention, mieux je me porte ! Étrange non ?

Certes, lorsque l'on pense a ceux qui sont en constante recherche d'attention. À ceux qui persistent toute leur vie durant à cette perpétuelle poursuite de reconnaissance... Je dois être un ovni parmi les ovnis d'autres sortes.

Cette reconnaissance qui leur demande peine et sacrifices.

Ils sont insatiables! Véritables rapaces et gloutons de cette quête de célébrité qui finira, j'en suis sûr par se retourner contre eux.

À quoi bon ? Pourquoi aurai-je besoin de vivre à travers leurs yeux? Ai-je besoin de savoir que je les intéresse pour exister?

Qu'on s'entende bien: je vis très bien ma situation, celle de l'anonymat total ! Enfin je le croyais...

En effet, depuis quelques temps la question se pose. L'élément déclencheur ? Elle !

Cela débuta il y a deux mois.

Elle entre, son parfum aux effluves sucrées envahit la salle. Sa mère l'accompagne puis leurs mains se séparent instantanément.

Elle se dirige directement vers moi.

Étrange, généralement, on me dépasse, on ne s'attarde pas devant un être aussi insignifiant que moi. Pourtant ce n'est jamais son cas à elle.

Elle me fixe de ses grands yeux noirs et expressifs, un petit sourire espiègle en coin.

La jeune demoiselle m'observe sous toutes les coutures, elle m'examine avec l'acuité d'un médecin. 

Je passe sous le microscope de la laborantine.

Elle est focalisée.

Enfin, elle lève sa petite main potelée couleur ébène ornée d'un petit bracelet aux perles de toutes les couleurs que je trouve très mignon soit dit en passant et me fait signe de son départ.

Goodbye my dear! 

Cette petite scène ne m'aurait pas troublé le moins du monde si elle ne s'était pas répétée tous les jours à la même heure.

Seize heures et le spectacle, dont je semble être l'acteur principal, recommence.

Les rideaux se lèvent et chacun joue son rôle respectif à la perfection: elle m'examine sous toutes les coutures tandis que je reste coi d'admiration devant tant de perséverance.

Je suppose que je ne suis plus insensible à l'attention que me porte cette jeune et jolie demoiselle.

Mais quelle est cette drogue qui prend le contrôle de mon être ?

Depuis quand le regard d'autrui m'intéresse ?

Depuis quand ai-je besoin d'exister aux yeux des autres ?

Nous y voila: il est seize heure tapante.

Elle me fait un petit signe de la main en guise de good morning.

Cependant cette fois, cette dernière se dirige directement vers mon père, celui à qui je dois la vie.

Deception. Désespoir.

Et lui demande d'une voix fluette : «Combien coûte la marionnette de bois sur l'étagère du fond monsieur ? »

Je suis peut-être inanimé physiquement cependant je n'en pense pas moins.

Je suis la vedette de mon monde et plus récemment, du sien.

Welcome little ray of sunshine.

Rouen, le 22 février 2016

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