Vertige et solitude

giuglietta

LA PEUR (II)

VAINCRE LA PEUR (2)

Vertige et solitude




Tu es sur un pont suspendu, perché bien haut, si haut, au-dessus d'un fleuve. Tu marches en regardant l'autre rive qui se rapproche, le faîte des arbres là-bas, l'envol de quelques oiseaux, la course des nuages. Et soudain tu trébuches. Oh, à peine, mais las ! Tu as regardé tes pieds, vu le revêtement du pont, à claire-voie, vu en dessous l'eau si lointaine, entrevu sur le côté le fleuve qui rapetisse, tu mesures la hauteur.

Tu ne peux plus avancer.


Tu lis, tu répares le pied d'un fauteuil, tu cuisines, ça mijote, tu envoies des emails, passes un coup de fil, écrit un poème, le début d'un pamphlet, tu prépares un paquet, recouds un bouton, étends une lessive, dispose des fleurs dans le salon, écoutes la radio. Tu t'asseois et te sers un verre en matant distraitement une série policière. Las ! En portant le verre à tes lèvres, tu as bien vu qu'il n'y avait qu'un verre, une seule assiette.

Tu ne peux plus avancer.


Le vertige et la solitude sont des petits animaux sauvages difficiles à apprivoiser. Des compagnons impossibles. Inutile de prétendre les avoir adoptés, pire, les avoir vaincus. Il faut les ignorer, les oublier, nier leur existence, à ce prix, on peut avancer.

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