Voyage de lumières (III)
Camille Verdier
J'étais enfermée dans ce lit lugubre et irritant. Ils avaient attachés mes poignets aux rebords du lit. Mes veines étaient cisaillées. Je voulais tout arracher, extraire ces horribles piqures de mon corps : je ne le pouvais plus, ils anticipaient ma folie contenue.
Je tordais mon corps pour pouvoir le sentir tout entier. Je respirais rarement pour avoir conscience de cette respiration : mon état ne me permettait pas de distinguer pertinemment la vie de la mort - ou, du moins, de cet endormissement profond.
J'étais dans un mal-être constant.
On entrait bruyamment, dérangeant mes dures introspections et assourdissant ma tête pleine de maux et de cicatrices saignantes.
"Laissez-moi. Vous ne pouvez plus rien, je ne veux plus vous donner ce corps translucide et de toute manière inutile. Vous m'avez perdu, je suis perdue. Laissez-moi, vous ne comprenez pas; j'ai refermé cette forteresse invisible; mes silences sont vos bruits, mes paroles sont vos regards, mes gestes sont vos sourires. Partez, partez, vous me faites du mal, j'ai mal, je lutte, je lutte en vain. Laissez-moi."
Elle relâcha tout son corps. Elle abandonna le morceau de vie qui lui permettait de penser encore. Elle se laissa envahir de ce liquide froid qui endormait tout son être. Son corps se détendit pour la première fois, son souffle ralentit dangereusement : on vit même une petite goutte d'eau salée naître de son oeil sec.
L'homme entra. Il faisait nuit; plus aucune lumière chaude n'accompagnait sa venue. Il eut mal, encore, lorsqu'il vit son corps immobile, que les draps animaient lugubrement. Il tremblait; l'homme passa ses mains sous le dos d'Anna, la souleva tout contre lui, il lui donna une chaleur inimaginable, surhumaine, d'un éclat éblouissant; il voulait se fondre dans ce corps meurtrit, il voulait la guérir de son mal qu'il pensait connaître. Il voulait lui donner son souffle, son coeur, ses veines, tout.
Etrangement, illuminant leur silhouette mélangée, une lumière irréelle anima doucement la pièce noire. Elle éclaboussait leur visage, sublimait leurs mains, leur dos, leurs épaules, leur taille; accélérait leur pouls. Ils se confondaient l'un dans l'autre, ils se buvaient mutuellement; ils abreuvaient leur malheur dans celui de l'autre.
Et cette étreinte passionnée dût faire renaître entre eux quelque chose d'innommable puisqu'inconnu.
A suivre peut-être.
Les vases communicants de l'amour peut être !? ... à suivre donc :o)
· Il y a presque 8 ans ·daniel-m
Dans ce malheur, beaucoup de poésie...
· Il y a presque 8 ans ·Louve
Sans contexte...A suivre... J'aime ton écriture, elle me fait penser à Vian et à Kafka.
· Il y a presque 8 ans ·aurevoir