Week-end à Paris

Nathan Noirh

Bordel. Bazar. Descente des enfer. J'ai pas encore choisi l'adjectif pour qualifier ce weekend. Y'a pas vraiment de fin non plus d'ailleurs. Les histoires qui se finissent, c'est pour de faux. Un livre ou un film. Le personnage enlève son manteau d'acteur et rentre chez lui. Nous on reste les mêmes. 


On a débarqué à trente à Paris. Enfer sur la ville. Mission commando pour un anniversaire surprise. Le type en question, on l'aime. Alors on est resté planqué la veille du débarquement, fallait faire attention où on mettait les pieds, sinon on pouvait croiser le bonhomme. Déplacer trente personnes à Paris direction un restaurant, c'est pas évident. Je te le dis comme je le pense. Tout le monde n'arrive pas en même temps. Alors on grille des cigarettes, on va sur le pont mater les cadenas et on fait le touriste. Certains arrivent, des gueules qu'on a pas vu depuis longtemps, on baise les joues et on se prend dans les bras. On jette un œil à la carte, se faire une idée de ce qu'il y a à becter, tout en jetant un regard nerveux sur les côtés au cas où le gars en question est en avance. Le type est berné par sa nana, il ne sait pas ce qu'il l'attend. Ils sont évidemment les derniers a venir. Donc on discute, on grille encore des clopes, on vide les kirs de petite main compris dans le menu, et on raconte des conneries. Tu as fait quoi alors ? Quel genre de travail ? T'en est où maintenant toi ? Tu recherches dans quel secteur ? Quand est ce qu'on graille ? Et ce soir, c'est quoi le plan ? Enfin il se pointe. Les yeux grand ouverts. On dit rien. On se regarde tous comme des con. Et on commence à gueuler. Je crois que le premier cri de midi, s'est terminé ce matin à la fraîcheur de l'aube. Il a dit qu'il s'en doutait. Mais pas de certaines gueules. L'équipe au grand complet n'a pas arrêté de se déchaîner pendant 24h. On commande des bouteilles, des bières, des olives, la bouffe arrive, on dévore, on crie, on commande des bouteilles, on crie encore, on clope on tape de la main. C'était notre guerre à nous. Un tourbillon de fumée et de brave gueulante. La bande qui ne se voit pas souvent au grand complet. Rattraper le temps perdu c'est violent. On passe à la caisse et surtout à la suite. 16h tapante, on sort du restau'. 15 minutes après, on traverse la ville toujours en criant. On est déjà raisin. La bonne idée d'après ? Réserver un bar. On n'est pas en début de soirée qu'on pille déjà le bar. Du café ? De l'eau ? Même pas mon copain. On s'éparpille et on cours. Les serveurs nous détestent et nous quittent pas des yeux. On commande verre sur verre, et on continue les histoires. Certains séduisent comme ils peuvent les employés du bar, d'autres essayent de discuter sérieux. Voyant la démarche de certains, on sait que l'on va perdre des soldats.

Mais qu'est ce qu'on s'aime bordel.

On se bat, on se tabasse.

Dans la chaleur de Cuba, on s'embrasse.

On rit on danse et y'a du bazar.
Et on s'éclate la panse au fond du bar.

Chaque cigarette que je grille en douceur dans la nuit me rappelle combien j'aime ce spectacle. Le plus prodigieux des spectacles. Et au dessus de cette symphonie gueulante joué par un orchestre invisible de l'orgie, je souris. On décampe de la et on se dirige vers une boîte pas prise de tête. On est pas venus jusqu'ici pour écouter de la musique ou rencontrer des types intéressants. On veut rester entre nous. On traverse les rues à la lueur des phares de bagnoles stressées par notre bande. On apostrophe les passants. J'en ai vu un se battre contre des poteaux et des arbres. D'autres qui imitaient le singe. Certains tentent de gérer le groupe. D'autres essayent de gangrener tout ça. La suite de la soirée a été forcément hors du temps et du sens commun. Entre les coudes posés au bar, la musique année 80 et la foule électrique aux fesses tremblantes, on ne peut que se laisser porter. Le lâcher prise. Tu sais que c'est nul comme son. Que les types autour de toi craignent. Même ta bière est coupée à l'eau. Mais tu rit à en crever à cause de la connerie de ta bande. Et si tu décides de bécoter une brune dans un coin le temps d'une cigarette, c'est tant mieux. Par contre l'arrivée du sosie de Michel Sardou nous a tous cloués sur place. Pas parcequ'il lui ressemblait vraiment. Pas à cause de notre fanatisme du Connemara. Mais parce qu'il était la star de la soirée et qu'on nous a obligé à déserter la scène pour lui laisser la place. "Invité VIP de la boîte". Le délire. On a mis les voiles direct. Dehors dans la fraîcheur et la foule, notre taxi nous a emmené dans un voyage assez dingue. Il avait la voix du noir qui a chanté le blues toute sa vie et dansé le jazz toutes ses nuits. Je fermais les yeux et je rêvais de pouvoir l'enregistrer. Je me la passerais le soir avant de dormir. Il nous a parlé sans s'arrêter et on le laissait faire. Dans cette voiture qui filait dans le noir et le gris de la route, entre les rires et cette voix rocailleuse, j'ai pensé à notre escapade. On est des vrais. Des gars et des filles sûres. On s'aime. On se dit la vérité. On s'engueule. On se raconte des trucs.

Toute la nuit toute la vie.

Joyeux anniversaire Laurent.


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