Work is a Four Letter Word
Robert Arnaud Gauvain
Work is a Four Letter Word
Je ne veux pas y aller, maman, je ne veux pas aller à l’ école, enfin à l’ école pourquoi pas, mais au travail, non… non !
Je ne veux pas dîner alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas surveiller la pendule le soir alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas m’ affaler comme un veau devant la télé alors que je dois travailler le lendemain. Je ne veux pas me brosser les dents alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas me coucher alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas me retourner dans le lit sans trouver le sommeil alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas somnoler superficiellement alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas rêver que je travaille alors que je dois travailler le lendemain.
Je ne veux pas croire qu’il est l’ heure de se lever et réaliser avec horreur qu’il n’ est que cinq heures alors que je dois travailler le lendemain, enfin le lendemain…
Aujourd’hui en fait maintenant. Je ne veux pas me lever ce matin avec la tête dans le cul des nuages, alors que je dois travailler aujourd’hui. J’ ai rien foutu de toutes mes vacances, je ne suis pas parti ( pour partir où, franchement ? ) , ne suis pas sorti ( pour sortir, où, franchement ). Je n’ai rien accompli de bien ni même de mal. Je n’en ai pas profité pour faire un grand ménage, me remettre à la guitare, ou m’ investir dans une tâche humanitaire ( soyons sérieux, quand même, et puis quoi encore ? ). Je me suis seulement ennuyé, emmerdé, lassé, et le pire c’ est que j’ en redemande, que ne donnerais-je pour revivre encore et toujours cette estivale parenthèse ?
Je n’en ai pas assez profité, elle est passé trop vite dans ma vie, elle a glissé comme… ( j’ai envie d’une métaphore ridicule pour faire encore plus artiste-poète, vous êtes prévenu ), comme… la pluie glisse sur les vitraux ( ce que c’est beau, j’ en pleurerais ). Sauf que la goutte sur la vitre est aventureuse, elle, parce que son chemin est indécis, surprenant, imprévisible, bien qu’ en pleine descente à tombeau ouvert, elle bifurque parfois soudainement de sa trajectoire, refusant la ligne droite, préférant mourir en combattant : c’ est une guerrière. A bien y réfléchir, mon ennui ne ressemble pas à cette folle petite météorite aqueuse. Le déroulement de mon ennui perso suit une descente rectiligne, directe, toute tracée, totalement soumise aux lois de l’ attraction comme un psychopathe américain ( le lecteur qui comprend cette suite de mot incongrue gagne un millième de considération de ma part, cadeau précieux, car j’ en suis fort avare), elle est comparable à la trajectoire que fait la fiente du pigeon en tombant. Mais cela me convient très bien. Ca déprimerait n’ importe qui cette vie miteuse ? Coup de chance, je ne suis pas n’ importe qui, je ne vais pas aller me tirer une balle parce que je suis blasé de tout dans ma vie. Moi je fais plus que supporter cette solitude vide et creuse puisque je n’ai même pas besoin de la meubler, je ne m’en contente pas, je vis avec, l’ennui est ma plus vieille compagne, toujours fidèle.
Les quelques personnes à qui j’ai commis l’ erreur de parler de mon ressenti ( j’aime bien ce mot pompeux, il est trop hype ) croient que je feins d’ atteindre cette plénitude dans le vide, cette sérénité du rien, juste pour ne pas me remettre en question, mais ils se trompent pourtant. Leur esprit étriqué et intolérant, pas comme moi qui suis un modèle de mansuétude bienveillante envers mes semblables, ne peut concevoir ce qu’ils n’ intègrent pas dans leur ressenti ( je l’ai placé deux fois, je suis très tendance ). Je me rappelle une discussion houleuse et sonore avec Machine à ce sujet, il y a quatre ou cinq ans, où elle refusa d’ admettre ma sincérité en ce domaine, sa tête tellement farcie de clichés bien-pensant et petit-bourgeois-bohème qu’elle s’ éreintait à suivre pour se donner à accroire que sa vie avait un semblant de sens et d’ intérêt… Elle est conne quand elle s’y met, Machine ! Dans cette dispute terrible, j’avais pourtant veillé à rester digne et classe dans mes arguments, tout en logique et force de persuasion. Et elle, mauvaise joueuse, acculée, en passe d’ être vaincue par mon intelligence supérieure, a prétexté que ma dernière saillie spirituelle visant à la comparer à un mouton sans réflexion, suivant le troupeau en sifflotant jusqu’ à l’ abattoir une veille de Pentecôte, une brebis à peine galeuse en fait ( Je précise qu’ à cette époque elle avait attrapé des poux que lui avaient refilés des élèves) était insultante et elle avait claqué ma porte à défaut de ma sale face.
Les gens refusent de réfléchir à ma philosophie de l’ existence. Je préfère mille millions de milliards de fois ( NB : j’ ai toujours eu le sens de la mesure ) m’ ennuyer tout seul plutôt qu’ autrui me fasse chier. C’est aussi simple et clair que cela. La compagnie des autres m’est déjà difficile, mais dans le cadre des travaux forcés, c’est carrément insupportable. Cette obligation d’ avoir conquis de haute lutte un droit au travail, il n’ y a que ces imbéciles de révolutionnaires pour pondre des idées aussi farfelues. Comme j’ aurais aimé être un patricien entouré d’ esclaves, ou un privilégié entouré de serfs… Si c’est ça qu’elle nous a apporté, votre république démocratique, je vote pour le retour au pas de charge à l’ Ancien Régime en échange d’un ou deux quartiers de noblesse.
Bon, avec tout ça, le temps passe, me voilà prêt à recommencer mon calvaire, je descends lentement l’ escalier de mon immeuble, croise un voisin qui me lance un jovial salut que je prends comme une agression.
Je veux pas y aller maman, je veux pas sortir de la tranchée pour crever du Fritz, ramper dans la neige pour trouer du Ivan, sauter de l’ hélico pour flinguer Charlie, monter dans ma voiture pour massacrer du Con. Je voudrais avoir un accrochage, pas grave bien sûr, juste pour ne pas arriver. Mais je n’ ose pas évidemment.
Lorsque je franchis la grille, je suis calme en apparence, mais à l’ intérieur, tout mon être hurle sa souffrance. Sa douleur. Sa colère. Sa rage. Sa haine.
J'adore quand tu t'emmerdes comme ça :-D
· Il y a presque 14 ans ·pointedenis
***
· Il y a presque 14 ans ·bibine-poivron
Ben Robert quitte à te faire chier,songes à te faire publier parce que j'ai rarement vu pareil emmerdement me passionner et faire copuler (aussi dégueulasses soient-elles...) mes neurones ensemble ! Une vraie attente de te lire à chaque fois,coup de cœur. (Rien qu'à l'idée que les cons que nous sommes t'importunent me fait jubiler...-)
· Il y a presque 14 ans ·leo
J'ai bien envie de lire un autre de vos textes.
· Il y a presque 14 ans ·Anthony Nw
Quelques pointes de littérature émergent à travers ce qui semble hélas n'être qu'un quotidien bloggé au fil de la plume.
· Il y a presque 14 ans ·Anthony Nw