1 des 4 grandes couleurs de femmes (d'après nous)

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Comme une amphore la taille se tend, les seins sont langues tirées, mangues pendantes, tout ce corps fuit de fruit. La femme noire. Les cuisses sont pleines, genoux mûrs, les pieds se sont-ils haussés sur un pollen rose, un fruit ouvert porté par une langue nue. La PLANTE des pieds. A frémir jusqu'au fond de soi-même. Bien à notre tour d'avoir par le jeu des muscles horripilateurs - la chair de poule. La peau appelant à la rescousse tu plonges la tête sous l'aisselle de poivre. T'imprégnant les arches nasales des puissantes senteurs de bois en sueur sue. Le goût de fruit gorgé de cette peau épicée, avec ses rigoles sucrées, te conduit à la bouche, comme une double paire de lèvres, en un ourlet, gonflé de sèves et de rives. C'est cette bouche dévorant la face, ces lèvres épatées ayant débordé de la pâte, c'est bien cette bouche nous faisant la moue de l'amour qui lui hisse le ventre au bord des lèvres, comme des barques d'arc, s'étalent, telle une charnelle serrure, au bout de laquelle les hanches et la porte d'amour posent si lourds. Des huiles grasses, les résines douces, coulent des arbres de sa peau. La pulpe charnue, tout le paysage concentré des fruits - ôté de l'écorce d'un soleil crépu, son corps est la première cuisson, la première onction et la plus naturellement fondue, enracinée, d'un oeuf de vie. Sa démarche serpentine en est plus onduleuse. Jusqu'à la nuque arquée - cela rend bien plus élastique le port de la tête, ce qui vaut mieux qu'un port de pêche même velouté. Les paumes décortiquées, bois rendu lisse à se frotter l'une sur l'autre, se cambrant de soleil. Quand, entre les gousses éclatantes des lèvres, surgit la source rose comme une fraîcheur de langue, tu laisses tomber au pied de ce portique qui soutient le fronton de la forêt.

         Chutant en lourds plis de grâce. La tête te paraît petite au haut de cet arbre lustré de sombre terre, aux reflets allumés de cendres, sourdant la nuit. Comme une noix de coco lactée, le ventre rebondit, résonne de la profondeur des nuits comme la quelconque conque d'un vaisseau. Elle veut déjà te semer dans sa terre. Mais chaque arbre détenait son animal de feuillage. Enclenché sur une mélodie de feuilles, un lieu de plaies vertes, bouclés de fines tiges sanguines, vient bourdonner à ton oreille de tes papilles, beau papillon,. Cette femme noire était le pilier de la Terre à l'orée de la forêt du Secret.

(extrait de "Les mamelles du repos")

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