A la va-vite

raphaeld

Coup de fil.

Enfile. Grouille, dévale, pousse. M’écarte, joue des coudes, file dans la cohue, fends la masse… Acrobate entre les ombres… Brins d’euphorie sur le macadam, rebondissent éclaboussent. Chope un sourire, esquive, trace. Bruit blanc aux tempes. Respirations spasmodiques, la rue suffoque et sombre. Dévale la rampe.

Inspire, expire.

Surprise devant la bouche du métro ; galoche par-derrière… Frou-frou de caresses pétillantes éphémères… La liberté dans l’haleine… Gesticule, tient pas en place, zieute droite gauche… Cri de famine au fond du regard.

Pas pour tout de suite.

Suis l’écharpe brumeuse. Traînée prometteuse. De la buée autour de la figure… Rattrape, saisis le bout du gant. Faufilons serrés… Planons d’un éclat de rire à l’autre… Portés. Dérivons.

Hé, c’est par où ?

Au bout… Les lampions sur les pavés, tu vois ? Là, tout au bout.

Passée la porte : canapés qui moussent, bières qui descendent. Présences tamisées, cosy. Poireaux endimanchés au comptoir. Creuse la poche. Menus fouille-cervelle… Bourdonnent aux oreilles, foutues crécelles…

Va pour le rouge.

Ouah, urge au froc.

De l’eau sur le visage… Un brin de lucidité, mauvais présage.

Qu’est-ce que ça veut dire ? A quoi on joue ? Est-ce qu’on va continuer longtemps à se gourer ? Est-ce que je suis le seul à penser comme ça ? Je fais les cent pas, j’fais reluire le carrelage… Me décide pas… Et puis merde, j’y retourne. Tiens, verse-moi un verre qu’on en finisse. Parlons pas trop, buvons.

Et ça repart.

Liqueur épaisse, conversation poudreuse, tourne et tourbillonne… Tache sur le pantalon. Sa main passe dessus en clin d’œil osé. Explore un peu plus haut mignonne ! Regards en coin, reproches salés… Décollons.

Sautons par-dessus le canal.

Autre porte, même tripes. Tout-puissant éthanol ! Provoc’ déhanche, glisse coule, part en fumée, sue dans les fripes… Carbonisé au-dedans, décolle. Gronde, pulse, puissance invisible de corps à corps. Mâchouille, léchouille mords…

Tiens c’est drôle, la musique s’arrête quand on ferme la porte.

Pause à gros bouillons au fond du canal. Paumé tente sa chance. Je gueule, j’fais le mâle. Récupère par-dessous le bras, avance. Ciel orange, zigzag de pavés huileux… Ondes apaisées, ronflements aux murs… Tentation au fond des murmures. Portique salvateur ; chiffres virevoltent, ondulent malicieux…

La troisième tentative, c’est toujours la bonne !

Au balcon attrapons les derniers instants de féerie. Explore, cherche à l'infini. Fringues perdues à jamais. Grand bond sur le matelas, résonne. Ausculte, tâtonne… Vais. Tournis, pulpe élastique, réglisse… Accélère. Meubles gémissent… Murs chauffés à blanc grondent du tonnerre. Pause, change, repars… Plafond hors de ses gonds, chavire, éclate épars… M’oublie au dernier soupir.

Un bout de soleil sur les paupières.

Je lui tourne le dos, elle a le bras par-dessus ma hanche. Tout doux je m’éclipse. Je me gratte la tête, la regarde quelques secondes… Et vais m’en griller une sur le balcon en calebar. Je reprends mes esprits au souffle du matin ; je cogite quelques minutes, fixe le canal, me cherche dedans. Je repasse la tête ; elle dort toujours. J’ai un cours à dix heures, c’est une bonne raison.

Me douche en cinq minutes, laisse un mot, claque la porte.

  • "Liqueur épaisse, conversation poudreuse, tourne et tourbillonne", très belle tournure ! J'aime beaucoup le style saccadé et presque schizophrénique qui donne au texte un rythme absolument haletant, et nous entraîne avec lui jusqu'à la fin, en suspens.

    · Il y a environ 11 ans ·
    1769087351450 iaymvv16 l

    luz-and-melancholy

    • Merci ! "schizophrénique", t'as saisi le truc :)

      · Il y a environ 11 ans ·
      Fb pic

      raphaeld

  • le siècle de la vitesse, et ça ne fait que commencer!

    · Il y a environ 11 ans ·
    Yoda 24 04 09 002 92

    yoda

  • Waou! ça décoiffe. Comme le Rock n roll c'est tout à fond et moi j'aime ça!!!!

    · Il y a environ 11 ans ·
    Gif hopper

    Marion B

  • J'ai l'impression que ton écriture ose, se hasarde, recherche, se remet en question et explore...Et je trouve ça très chouette, et en tant que lectrice j'aime bien aussi être surprise, redécouvrir. J'aime beaucoup le rythme du début et ton image d'illu, symbolise bien la façon dont on rentre dans ton texte, et quand il commence à se poser des petites accélérations. Et puis j'aime aussi la fragile intensité du moment que tu laisses dans un brouillard.

    · Il y a environ 11 ans ·
    Avat

    hel

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