A ma recherche

ake

C'est bon je l'ai fait.

J'ai tout laissé.

Tout.

En commençant par moi même.

Arriverais-je à retrouver ma sérénité ? A nouer des liens durables avec les autres tout en sachant que ma vie n'est que mensonge ? A oublier tous ces gens qui ont fait partie de mon passé ? A totalement faire disparaître la femme que j'étais sans aucun remord ? A atteindre l'objectif que je me suis fixée ?

Lorsque l'on commence à fuir peut-on réellement s'arrêter un jour ?

J’ai toujours envisagé ce moment de la même façon :

Je déposais mon téléphone sur la table, ma carte bleue ainsi que ma carte d'identité, remplissais un sac de quelques petits effets pour finir par claquer la porte d'entrée et m'en aller. (Pour «sac à main», remplace-le par bourse ou portefeuille.)

Puis, je vidais mon compte en banque et, armée de mes maigres économies, partais en laissant tout en plan derrière moi.

Indéniablement, ce « fantasme » s'accompagnait de mes doutes, mes peurs et parfois de mes regrets, ce qui lui permettait de conserver cet état de fantasme.

Rien ne m'avait préparée à ressentir ce que j'éprouve actuellement, dans ce train qui m'amène vers le sud de la France.

Oui, je me serais attendue à tout sauf à ça ; à ce sentiment qui me donne des frissons ; la tête qui tourne ; les yeux qui pétillent et me coupe le souffle.

Je n'aurais jamais cru qu'en ce moment, dans cette situation qui est mienne, je me sentirais si...excitée.

Et pourtant, c'est ça.

Je suis excitée et je dirais même surexcitée.

Ce sentiment m'a envahie subrepticement tout au long des étapes qui m'ont amenée dans ce train et maintenant, il atteint son paroxysme, me mettant dans un état que je ne peux ni ne veux contrôler.

Mon voisin d'en face me jette des regards inquiets de temps en temps. Je ne peux que le comprendre. J’halète presque sous l'effet de cette sensation. Du coup, pour éviter son regard, j'observe le paysage qui défile à travers la fenêtre afin de me donner une certaine contenance.

En fait, je ne cherche pas à fuir son regard et je ne m'intéresse nullement aux plaines qui s'étendent à perte de vue mais plutôt à son reflet dans la vitre. Du peu que j'en vois , il est assez joli garçon : C'est même tout à fait mon style.

La femme que j'étais avant de mettre le pied dans cette voiture n'aurait jamais osé dévisager un homme ainsi. Elle ne se serait pas laissée aborder et n'aurait pas abordé non plus et cela même si l'inconnu lui plaisait.

Cette femme, j'ai laissé un morceau d'elle dans mon appartement, un autre chez le coiffeur qui m'a transformée pendant que j'attendais mon train. Et enfin, dans la poubelle des toilettes pour dames où se trouvent maintenant les vêtements que je portais en me rendant à la gare ainsi que ma carte bleue en morceau.

La femme qui fait face à ce charmant jeune homme a tout quitté.

La femme qui lui fait face veut se trouver, se retrouver, et ce soir, elle a décidé d'être une femme fatale.

Une partie de moi, celle qui s'accroche encore à ce qui est mon passé, ne comprend rien à mon désir et persiste au refus. Celle qui a toujours fait ce que j'étais et qui m’entrave, m’empêche d'exister, me pousse à répondre aux attentes de ceux que j’aimais.) Ais-je donc quitté tout ce que je connaissais, tout ce qui me sécurisait, qui me définissait, qui me contrôlait pour devenir une jeune femme avec une nouvelle coupe dans la voiture 18 d'un train pour Pétaouchnok faisant du gringue à un inconnu ?

Je fais face à mon voisin qui me fixe toujours, lui décoche mon plus beau sourire tout en jouant gentiment avec mes cheveux. Affable, il me sourit à son tour tout en déposant son livre sur la tablette. Le ton est donné. Nous entamons une conversation plus ou moins agréable et banale sur les raisons de notre présence dans ce train.

Je me sens mutine, sexy comme jamais auparavant. Chacune de ces questions aiguisent le portrait de la nouvelle moi. Une femme qui fait le métier que j'aurais pu faire si j'avais fait confiance en mes capacités et non pas au pragmatisme de mes parents. Cette moi est célibataire, fière de l'être et qui ne supportait pas de rester dans une relation dans laquelle elle s'ennuierait par habitude. Sous ses yeux innocents, je deviens une croqueuse, libre, libérée, indépendante, sexy.

Les mots me viennent sans difficulté, j'enchaîne les mensonges comme certains s'enfilent des verres. Je me redresse, ma tête est droite, mon port altier. Puis, je penche la tête, joue avec mes mains, mes cheveux, et c’est ainsi que mon regard attire le sien vers mon décolletée tandis que mon pied frôle sa jambe « malencontreusement.»

Maintenant, un grand sourire éclaire son visage et même si je ne connais pas grand chose au langage corporel, le fait qu'il se mordille la lèvre doit être bon signe. Il propose de s'asseoir à mes côtés, soi disant parce que ce serait plus pratique pour « discuter ».

Je tique légèrement alors que je ne devrais pas. Tout le charme que j'ai développé n'avait qu'un seul et unique but : Le prendre dans mes filets, l'attirer. Mais maintenant que la proie est ferrée, un doute m'envahit. Au fond de moi, je sais que la réponse que je donnerai sera plus qu'un simple oui ou non... Ce sera une nouvelle étape de cette route qui m'amènera loin de chez moi...Devrais-je plutôt dire loin de moi.

Alors que mon esprit semble encore hésiter, ma tête, peut-être guidée par un quelconque instinct de survie, hoche lentement, m’entraînant encore un peu plus sur ce périple sans retour.

À peine est-il assis qu'il pose sa main sur mon avant-bras. Je lui souris et se sentant encouragé, il se penche et m'embrasse. Si mon corps répond à ce baiser en allant à la rencontre de mon compagnon de voyage, mon esprit semble encore en proie à des hésitations. La nouvelle moi, celle dont je viens de dresser le portrait, se réjouit de ce qui est en train de se passer, de l'ardeur de ses baisers, de ses mains qui découvrent mon corps. Mais celle que je souhaiterais oublier me parle de fidélité, de raison, de choses qui ne m'intéressent pas en fait. Alors, avec un petit sourire, je m'abandonne à la situation, me fond dans ce nouveau moi alors qu'il se fond en moi. Je n'ai que faire qu'on se fasse surprendre ! Au contraire, l'idée me plairait tant ! On mord, griffe, soupire exigeant à ce qu'il nous emporte plus loin, toujours plus loin sur ce chemin que j'ai décidé d'emprunter.

Du plaisir, tellement de plaisir, je veux que ma vie devienne un océan de plaisir. Oui, cela deviendra mon but dans la vie. Il en faut bien un quand on repart de zéro, non ?

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