À travers un rideau de tulle

nuances

Les nuits d'été sont bien fraîches après des journées sous un soleil de plomb. On remonte l'allée, emmitouflées dans nos vestes légères, brisant le silence par nos éclats de rires, par des paroles mille fois répétées, chantées à moitié seulement, dans un ordre ré-inventé. On est quatre, à vélo. Pourtant, seulement deux d'entre nous pédalent. Hissée sur le guidon, je ris des zigs et des zags de ma conductrice, de ses virages improvisés, traçants autant de sillons, qui serpentent dans le sable d'une route rectiligne. Les deux filles qui nous accompagnent manquent de finir dans le fossé bordant l'allée. Macha s’étouffe à moitié en essayant de finir le dernier couplet « toi qui voulais battre des records... ».

Quelques personnes nous croisent en sens inverse, sourient amusés. « Autant pour moi ! » L’euphorie de l'après midi, passé sur les routes ensoleillées de la région Centre, n'est pas retombée. Elle s'accompagne désormais de l'excitation liée au rapprochement de l'échéance. Le lendemain, la journée commencera pour nous dès l'aube.

La serviette de bain sur l'épaule, ou nouée autours du cou en guise d'écharpe, la trousse de toilette entre les dents, on progresse lentement mais sûrement vers notre abri pour la nuit. On campe à notre façon sur le parking du parc fédéral, dans le camion du club, dont on aperçoit déjà le pont qui n'a pas été relevé. Macha freine brusquement. Un filet de musique s’échappe du camion, à l'intérieur duquel le reste de l'équipe se prépare à fermer l’œil. Tout est prêt. Les matelas sont gonflés, les sacs de couchages dépliés, le silence reprend peu à peu ses droits. On a les yeux qui pétillent dans la pénombre, presque persuadées de l'éternité de l'instant qu'on est en train de vivre.

Notre monde se réduit à ce camion changé en nid douillet, où installées comme des reines sur un lit de foin, protégées de la pluie et du ruissellement, on sourit toujours. Dans le silence apaisé du mois de juillet, on communique encore, sous la faible lumière des lampes à dynamo, dans un langage des signes spontané, protégées du reste du monde par la fine maille de nos moustiquaires.

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