Ah, l’Amour !

Hervé Lénervé

En toute simplicité, je vous le dis, je suis un être exceptionnel.

D'ailleurs, cela se voit d'emblée, au premier coup d'œil. L'inconnu me croisant dans la rue pense, «  Tient, c'n'est pas commun, ça ! »  Disons que mon physique ne passe pas inaperçu. J'ai, d'ailleurs, longtemps servi de modèle à des peintres cubistes en manque d'inspirations abstraites.

J'ai un œil plus bas que l'autre, ce qui donne un charme trouble à mon regard, mais qui reste la hantise des opticiens. Jamais, ils ne m'ont trouvé lunettes à mon pied. Je porte donc, des lentilles, alors que j'aie une sainte  horreur des lentilles, ça me fait péter. De plus, comme mon nez a glissé sur le côté, si loin qu'il n'est plus facile à moucher et comme la nature n'aime pas le vide, une oreille est venue prendre sa place. En fait, mon visage a tourné de quatre-vingt-dix degrés, de sorte que quand on essaie de me parler de face, les personnes sont décontenancées, elles se déhanchent dans une torsion curieuse et grotesque, mais pratique pour vomir sans se maculer les chaussures. Ceci dit, peu de personnes, sinon personne, n'aiment à me parler de près et je les comprends, je ne leur en veux même pas ou si peu. Car, je m'en fou complètement ! Car, moi, qui suis un cas tératologique, je suis beau ! Car, moi, sur cette Terre, une femme m'aime d'amour. Oui ! Cela tient du prodige, car elle est voyante et belle comme un cœur, disons que ce sont les mystères de l'Amour.

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