Ailleurs Land

cloe

En arrivant dans la cuisine de l'appartement, Léa balança son sac de randonnée à terre en expirant bruyamment alors que je lançais à notre hôte mon plus beau sourire, ravie d'être arrivée sur l'île.

-  So Cloé, you've already been to Kilronan before?

Ce n'était pas que David soit spécialement difficile à comprendre, mais l'accent irlandais est particulièrement fort de ce côté du pays. Je lui fis répéter la question et comprenant qu'il me demandait si j'étais déjà venue, je lui répondis en tentant d'articuler le plus naturellement possible, écoutant malgré moi les pointes d'accent français dans ma voix :

- Yes, I visited when I was a student in Dublin, it was quite a long time ago!

- Well, I hope you girls have a lot of craic!conclut notre hôte tandis que Léa me jetait un regard interrogateur.

- Thanks David!

Et il partit en souriant, nous laissant nous extasier devant la vue sur la mer et le ferry par lequel nous venions d'arriver depuis Galway. Léa avait déjà sorti sa crème solaire et une casquette et tandis que je lui traduisais le dernier échange avec notre hôte, « craic » étant l'expression irlandaise la plus typique signifiant à peu près le « fun », mon amie commença à badigeonner son nez et ses joues parsemées de tâches de rousseur en m'exhortant à enfiler un short pour partir en balade.

- Hors de question que je mette un short ! lui répliquais-je.

- Pourquoi, tu as honte de tes jambes maintenant ? Oh je sais, tu as oublié d'apporter un rasoir, me railla-t-elle en tirant la langue.

- C'est ça, et je préfère garder mon pantalon de randonnée et me moquer de toi quand tu te prendras ta première averse !

Comme elle rit je l'imitais, mais j'espérais qu'elle avait bien gardé en tête ce que je lui avais narré sur cette île : un soleil radieux pouvait laisser la place à tout moment à des nuages menaçants, emportés par un vent rageur, puis une pluie torrentielle qui s'arrêtait dès que les nuages avaient dépassé la pointe de l'île. Et alors le soleil brûlant réapparaissant comme par enchantement, séchant en dix minutes ce que la pluie avait mouillé en l'espace de quelques secondes, et une demi heure plus tard c'était reparti pour un tour !

Je pris donc un plus petit sac à dos avec mon anorak à portée de main et une bouteille d'eau,  et après que nous ayons rangé les courses apportées dans la glacière nous filèrent toutes les deux vers le magasin de location de vélo qu'on avait aperçu en débarquant du ferry un peu plus tôt.

Bien installées sur les vélos, nous nous élancèrent à l'assaut de cette île magnifique. L'objectif était d'en voir le plus possible aujourd'hui afin que Léa repère les lieux propices aux meilleures photos.  Mon amie est une très bonne photographe, et je l'avais convaincue de faire un crochet par les îles d'Aran lors de notre séjour en Irlande en lui vantant la luminosité incroyable, les falaises splendides qui donnaient sur l'Atlantique, les petits murets de pierre qui découpaient les prés faisant tout le charme de ces îles méconnues, ainsi que la météo changeante qui était propice aux sensations les plus extraordinaires, sans oublier les rencontres avec les habitants à l'accent rocailleux. Nous n'avions que quatre jours sur place, il était donc grand temps d'explorer ce qu'Inis Mór, la plus grande des trois îles, avait à offrir.

Comme le temps avait l'air de vouloir rester au beau fixe, je proposais à Léa d'aller directement visiter Dún Aonghasa, une vieille forteresse gaélique surplombant l'Atlantique : on pouvait sentir la puissance du vent et les embruns marins qui s'écrasaient sur les à-pics en contrebas. Léa jubilait et trépignait, pressée de revenir le lendemain avec tout son matériel photographique. Juste avant d'arriver au site, une langue de terre offrait la vue des deux bras de mer : j'avais hâte de voir quelles images elle allait pouvoir en tirer. Je lui parlais de la balade hors pistes le long de la falaise pour accéder à un autre site incroyable, le « trou du ver », une piscine naturellement creusée dans la roche.

Mais après ces quelques kilomètres à vélo, nous étions heureuses de prendre des forces dans la maison pittoresque reconvertie en café, Teach Nan Phaidi, où la propriétaire joviale nous recommanda d'autres sites moins connus pour nos futures balades.

Une fois rentrées dans notre appartement ce soir là, nous nous surprirent à tomber toutes les deux épuisées sur nos lits superposés : le vélo et les embruns avaient eu raison de nous, à défaut de la pluie que j'attendais ! Léa me souhaita bonne nuit alors que je commençais déjà à rêver du traditionnel déjeuner irlandais qui nous attendrait le lendemain dans un petit café du village. Il faudrait prendre des forces : on avait promis à la tenancière du midi de retourner la voir et rencontrer son mari, pilote d'un des rares avions à se poser sur l'île… et qui sait, Léa était peut-être équipée pour des photographies aériennes !

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