Amer aveu (3 et dernier)
wen
Résumé des épisodes précédents :
Sébastien, apparemment victime d'un accident de la route, est décédé. Ses amis sont convoqués par la police car la situation semble beaucoup moins simple qu'il n'y paraît.
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Tous levèrent la tête dans sa direction, impatients. Le commissaire fit un signe de la main au policier derrière la vitre et recommença à parler tandis que l'homme en uniforme entrait, suivi par une jeune femme.
— Vous connaissez tous mademoiselle Stéphanie Rosencraft j'imagine, dit-il sans attendre de réponse. Je lui ai demandé de venir il y a quelques heures et nous avons beaucoup discuté. Elle m'a raconté une histoire très intéressante. Suite à nos discussions et à l'apparition d'éléments nouveaux…, le commissaire laissa traîner sa phrase juste avant de reprendre, …j'avais pensé vous en faire part moi-même mais elle a insisté pour s'adresser à vous directement.
Athlétique, blonde aux cheveux longs et aux yeux bleus, Stéphanie paraissait physiquement affectée. Elle qui mettait habituellement grand soin à s'habiller, elle avait visiblement négligé sa tenue pour se rendre au commissariat puisqu'elle était vêtue d'un legging élimé, d'un sweat hors d'âge, et portait des tennis plus confortables que neuves. Pour autant, même dans cette tenue, il était indéniable que c'était une superbe jeune femme séduisante en toutes circonstances.
Le policier qui l'avait accompagné alla lui chercher une chaise et la déplia à côté du commissaire, devant le groupe d'amis.
Les quatre étaient tous restés éberlués par l'entrée de Stéphanie. Ils remarquèrent tous ses yeux rougis, et ses mains triturant un mélange amalgamé de plusieurs mouchoirs en papier. Cet amas informe aurait dû être jeté depuis longtemps mais elle continuait à le remonter à son nez machinalement en reniflant.
Elle s'assit lentement en regardant par terre. Elle n'osait pas lever la tête. Lentement, elle trouva la force de relever le visage et ses yeux allèrent d'Esther à Amandine en passant par Julien. Elle évitait visiblement François.
Elle inspira profondément, cherchant un peu de force pour trouver les mots. Elle se lança enfin.
— Vous savez tous qui je suis bien entendu, se lança-t-elle. Malheureusement, vous ne savez pas tous ce que j'ai fait… Elle laissa traîner sa phrase, visiblement abattue.
— Mais qu'est-ce que tu vas raconter encore, la coupa François brutalement. Qu'est-ce que tu vas nous sortir comme salade, demanda-t-il sans attendre véritablement de réponse.
François n'avait jamais réussi à redevenir totalement agréable et amical avec Stéphanie après leur rupture. Chacun le savait et ses amis ne furent pas étonnés de le voir réagir ainsi. C'est le commissaire qui le reprit immédiatement.
— Monsieur Muller, lui dit-il tout aussi brutalement en appuyant sur son nom de famille. Laissez Stéphanie continuer s'il vous plait, lui ordonna-t-il.
Julien remarqua la différence entre l'un appelé par son nom de famille et l'autre, appelée par son prénom. Quelque chose clochait. D'ailleurs, François cherchait visiblement à se défendre. Ce n'était pas son genre. Julien s'en fit également la remarque. Quelque chose clochait vraiment pensa-t-il.
— Je ne vois pas pourquoi je serais obligé d'écouter ses mensonges, dit François au commissaire presque en criant. Je n'ai pas à l'écouter, elle ne dit jamais la vérité. Si vous nous avez fait venir pour ça, moi je m'en vais, termina-t-il tout en commençant à se lever.
Le policier qui se tenait près de la porte s'était déplacé derrière lui pendant ce temps et lui mit la main sur l'épaule pour l'aider à se rasseoir. Le commissaire s'approcha de François, le regarda fermement et lui dit sans qu'il y ne puisse y avoir la moindre ambiguïté.
— Ecoutez-moi Monsieur Muller. Vous allez vous asseoir sagement et vous allez écouter ce qu'elle a à dire devant vous et vos amis. C'est le prix à payer, vous comprenez ?
Le commissaire avait terminé sa phrase en chuchotant. Pour autant, l'ordre était impératif. Il se tourna ensuite vers Stéphanie et l'invita à poursuivre.
— Vous savez tous que j'ai vécu avec François pendant un certain temps il y a quelques années et que c'était sérieux, que nous avions commencé à faire des projets et que je l'ai quitté à sa grande surprise… et aussi à la vôtre j'imagine.
Elle chercha du regard l'approbation d'Esther et Julien. Ils acquiescèrent. Stéphanie continua.
— Il y a quelques semaines, lors d'une conversation banale avec François, je lui ai dit pourquoi je l'avais quitté. Nous étions en train de discuter comme d'habitude, calmement, tranquillement. Le sujet de notre séparation est revenu sur le tapis. Je lui ai dit “ comme ça ”, comme pour rappeler une évidence car j'étais persuadé qu'il le savait. Presque comme une ancienne blague potache entre vieux amis ayant été amants il y a longtemps. Comme un événement pénible à vivre sur le moment mais dont tout le monde rigole après coup.
— Ça suffit ! la coupa encore François avec de la rage dans les yeux. Tu crois que tu n'as pas fait assez de mal comme ça, cria-t-il.
Un autre policier, discrètement en faction depuis le début derrière la porte, entra dans la pièce et aida le premier à maîtriser François qui se débattait en suppliant Stéphanie de se taire. Stéphanie comprit qu'il fallait qu'elle avoue devant tout le monde.
— Je l'ai quitté parce que je l'ai trompé avec Sébastien, eu-t-elle juste le temps de dire avant que François n'explose de rage.
Le commissaire fit signe aux deux policiers qui maîtrisaient difficilement François d'attendre quelques secondes. C'est lui qui prit la parole à la place de Stéphanie qui avait éclaté en sanglots.
— Nous avons remonté le fil des explications de Stéphanie depuis que nous avons pris contact avec elle en fin de matinée. Elle ne vous avait jamais dit pourquoi elle vous avait quitté n'est-ce pas, dit-il en s'adressant à François. Après votre rupture, tous vos amis ont été présents autour de vous pour vous remonter le moral et faire face à l'incompréhension de cette décision. Votre ami Sébastien, votre meilleur pote, probablement honteux de sa stupidité a essayé de se racheter sans rien vous dire, espérant que cela deviendrait de l'histoire ancienne rapidement. Malheureusement, le temps a passé mais, si ça l'est devenu pour Stéphanie et Sébastien, ce n'est jamais devenu de l'histoire tout à fait ancienne pour vous. Quand Stéphanie a fait cette gaffe, il y a trois semaines, vous vous êtes rendu compte que Sébastien, qui se disait être votre ami, vous avait trompé et trahi durant tout ce temps. Pire, il avait continué à se conduire tout à fait normalement avec vous, voire même plus. Il vous a réconforté, il a partagé des soirées avec vous. Votre profonde et sincère amitié était entachée d'un mensonge originel impossible à accepter pour vous. Non content de vous avoir fait perdre votre copine, il s'était moqué de vous toutes ces années.
Le commissaire regarda alors les autres membres du groupe d'amis. Il laissa passer un très court instant puis reprit.
— Malheureusement, une simple gaffe de Stéphanie a mis le feu aux poudres.
Il termina sa phrase en posant la main sur l'épaule de la jeune femme assise à côté de lui. Stéphanie hurlait de tristesse dans ses pauvres mouchoirs en papier disloqués, prenant conscience à chaque seconde de la gravité de ses erreurs. François, quant à lui, délirait violemment en hurlant. Il insultait Sébastien et Stéphanie, les traitait de menteurs, et de salauds tous les deux. Il criait qu'il n'avait que ce qu'ils méritaient tous les deux. Il s'époumonait encore dans le couloir lorsque, sur un geste du commissaire Ronsmans, les deux policiers l'emmenèrent pour l'enfermer dans une cellule.
Une fois le calme revenu, le commissaire reprit son explication.
— Il avait sacrément bien préparé son coup, dit-il presque respectueusement. Hier après-midi, il est allé louer un énorme 4x4 dans une agence spécialisée banlieue sud. Il a payé en espèce et présenté un faux permis de conduire. Malheureusement, il y a un détail qu'il ne connaissait pas, détail sans lequel nous serions encore en train de chercher la moindre preuve. Suite à une tentative d'intrusion récente, l'agence a fait installer des caméras en toute discrétion la semaine dernière. La voiture qu'il a rendue cette nuit tard porte les marques caractéristiques de l'agression sur votre ami. Sur l'agression que dis-je, sur le meurtre avec préméditation. Je vous laisse à présent, dit le commissaire en se dirigeant vers la porte. J'ai quelques papiers à faire pour transmettre l'affaire au procureur. Vous pouvez rester ici un petit peu, précisa-t-il avec affection. Une bien triste affaire, chuchota-t-il en sortant, laissant les quatre amis éplorés dans les bras l'un de l'autre.
Deux heures plus tard, François s'était calmé. Confronté aux différentes preuves, à la vidéo de surveillance et rongé par le remord, il avait tout avoué.
Après sa déposition et l'assurance que François allait effectivement partir en prison, Stéphanie sortait seule du commissariat.
L'avenue où se situait l'entrée du commissariat était bordé de marronniers majestueux. L'ombre du feuillage épais noircissait ce qui aurait dû être une belle journée. Stéphanie n'eut pas la force de marcher plus longtemps. Elle s'assit sur un banc public, légèrement en retrait sur le large trottoir bordant l'avenue. Elle pleura encore longuement la tête entre les mains. Elle ne cessait de repenser à ce moment où tout bascula, ce moment où elle prononça la phrase de trop. Ce qui ne devait être qu'une boutade légère sur un passé déjà ancien entre deux adultes ayant digéré leur histoire s'était transformé en meurtre avec préméditation. La rancœur, la colère, le simple sentiment d'avoir été le sujet de moquerie pendant des années de la part de son meilleur ami l'avait transformé en tueur fou.
Elle laissa passer un long moment, incapable de démêler les pourquoi ou les comment. La seule question à laquelle elle s'accrochait était de savoir si Dieu, celui en lequel elle croyait si fort depuis quelques temps, savait bien à quoi Il jouait avec les Hommes. Les larmes noyaient son regard et coulaient sur ses joues. Elle se surprit à s'entendre Lui parler, à Lui qui était censé tout voir et tout pardonner.
— Et moi, arriverai-je à me pardonner, se demanda-t-elle tout haut.
Elle leva les yeux vers la cime des arbres mais Dieu ne fit pas un geste dans sa direction.
Fin
la jalousie alliée au mensonge sont les ressort d'un drame courant, comme le petit coup au passage moment de plaisir fugace que certains égos prennent pour des trahisons, mais cette belel femme en lui racontant des bobards a une part de responsabilité dont elle va chèrement payer la dette , récit classique mais bien éctit
· Il y a presque 10 ans ·franek
Histoire ultra classique en effet. Pour ne rien te cacher d'ailleurs, la situation initiale est inspirée d'une histoire vraie qu'on m'a rapporté assez fidèlement.
· Il y a presque 10 ans ·Après, la fameuse Stéphanie ne ment pas finalement. Elle trompe son mec pour une histoire de cul, elle assume jusqu'au bout et le quitte pour rester cohérente avec elle-même et son couple.
Le vrai problème pour moi (et c'est souvent le problème, beaucoup plus que les histoires de cul selon moi), c'est le silence pendant des années et une vérité/explication qui ressort quand on croyait tout enfoui sous le grand tapis des années passées.
Dans la vraie histoire, il n'y avait ni accident, ni décès (et encore heureux !) mais le sentiment d'un grand gâchis suite à des années de silence (et au final, d'après ce que je sais, une réconciliation plus ou moins franche entre les mecs impliqués). Le style polar imposé pour le concours m'a permis de me lâcher un peu sur les conséquences...
Merci de ta lecture et du com' en tout cas.
Au plaisir, ici ou là.
wen
tout le plaisir est de te lire
· Il y a presque 10 ans ·franek
Ça c'est super gentil même si je sais que ce texte est loin d'être le meilleur que j'ai pu commettre...
· Il y a presque 10 ans ·wen
Et voila ! C'est pas très glop la jalousie...Sous ta plume, on lui pardonnerait presque à ce pauvre François car la femelle est belle. Mais bon ! Si on se met à zigouiller pour un petit coup...de coeur, où va t-on? je te le demande!
· Il y a presque 10 ans ·lyselotte
Ben non, on le sait que la jalousie est très mauvaise conseillère mais ce n'est pas toujours si évident...
· Il y a presque 10 ans ·En même temps, si on se met à zigouiller pour un oui ou pour un non, comme tu dis : où va-t-on ?!!
Je l'aime bien aussi ma petite Stéphanie, j'ai voulu la faire honteuse et responsable évidemment mais qu'on n'ait pas forcément envie de l'accabler de trop non plus...
Comme disait l'autre, le cœur a ses raisons que la raison ignore...
wen
J'ai bien aimé mais comme Sweety, j'aurais fait durer un peu plus le suspens.
· Il y a presque 10 ans ·chloe-n
Merci beaucoup Chloé.
· Il y a presque 10 ans ·Evidemment, j'aurais bien aimé moi aussi faire durer en longueur pour faire monter un peu plus la mayonnaise mais comme le disait Sweety, j'étais limité sur le nombre de caractères. J'ai donc fait comme j'ai pu.
C'est chouette si cela t'a plu et j'espère bien t'avoir donné envie d'embarquer avec nous pour une prochaine histoire.
wen
du grand Wen...et hop la claque de la fin!
· Il y a presque 10 ans ·La colère est mauvaise conseillère parfois...
Sweety
Sérieux Sweety ? Ça te plait ?
· Il y a presque 10 ans ·Bon alors si ça te plait ça va. Je n'étais pas content de cette histoire, je doutais vraiment que "ça marche".
Si tu aimes, alors ça va, je suis rassuré. Une serial liseuse comme toi ne peut pas se tromper beaucoup. Le compliment est donc accepté avec plaisir.
wen
J'aurais fait durer un peu plus longtemps le suspens mais bon je pense que tu avais un nombre de caractères limités,non?
· Il y a presque 10 ans ·Mais bon par le passé tu m'avais déjà plu dans ce registre ... Alors,je ne suis pas déçue ...
Sweety