Amour à distance

-Messieurs dames, le train en partance de Bordeaux va démarrer dans deux minutes. Merci de vous rendre sur le quai H. Ladies and gentleman, the train....

Lila décrocha, n'écoutant plus la voix monotone qui passait dans les enceintes de la gare. Elle fixait l'écran de son téléphone, la peur au ventre. Elle avait laissé ses deux enfants chez des amis pour le week end, et elle sentait son coeur se déchirer en repensant au regard interrogateur de son fils. Sa fille, elle, était au courant.

Elle avait hésité à partir. Deux jours, c'était court. Mais long. Trop long.

Elle était en plein divorce. Son mari ne la regardait plus, et après maintes et maintes discussions, ils avaient décidé su un commun accord de rompre. La meilleure des solutions pour eux, mais pas pour leur enfant. Ils souffraient, surtout la fille, même si elle ne le montrait pas pour n'inquiéter personne. Quinze ans de mariage foutu en l'air en un claquement de doigt. En repensant à cette funeste soirée, elle eut les larmes aux yeux. Elle avait encore mal.

Et c'était à cause de sa poitrine douloureuse que pendant les vacances scolaires, elle était parti à Bordeaux voir son père une semaine, seule, sans ses chérubins. Pour remettre ses idées en place.

Et elle l'avait rencontré. Un coup du hasard, du destin peut-être.

Son père l'avait amené au bowling. Ce n'était pas qu'elle aimait ça. Même, elle ne comprenait pas comment on pouvait aimer ça. Les boules étaient lourdes, on suait comme un animal après, et puis, abattre toutes les quilles n'étaient pas un exploit. Non, sortir un livre, recevoir un oscar, un prix Nobel, ça c'était un exploit.

Mais des quilles, sincèrement....

Et là, elle l'avait vu. Juste quelques secondes. C'était un agent de la mairie, en plein travail, et leurs regards se croisèrent rapidement. Mais ses yeux restaient gravés dans sa mémoire au fer rouge. Elle n'arrivait pas à l'oublier.

Elle avait appelé chaque agence d'entretien de la ville. On la prit pour une folle plus d'une fois. On lui disait que non, ce visage ne disait rien à personne. Et puis un jour, tout de même, elle le trouva. Ce fut lui qui répondit. Sa voix calme et grave la charma un peu plus encore.

A la fin de la conversation, qui avait duré plusieurs heures, elle avait pris sa décision : elle prendrait le train pour aller le voir, seulement quelques heures, qu'importe!

Elle voulait recommencer à zéro.

Le train s'arrêta devant elle, et elle monta en souriant.