Anna #1

Je cours jusque dans ma chambre et m'y enferme à double tour. Mon coeur est constitué a 90% de larmes et de tristesse, une peine infinie qui coule sur mes joues et innonde ma tête. Je branche ma musique à fond en espérant que les basses calmeront les battements de mon coeur. J'ouvre la fenêtre en grand, l'air s'engouffre dans la pièce comme un ouragan souhaitant balayer les mauvais souvenirs qui pullulent mon cerveau.

Rageusement je sors mes toiles, ma peinture, mes pinceaux, tout ce qui m'est nécessaire pour peindre, pour vivre. La blancheur de mon support m'insupporte. Je serre les poings pour ne pas la déchirer, la lacérer à coups de couteaux. L'amertume devient colère, et la fureur, inspiration.

Je trempe mon pinceau dans de l'eau, puis dans du rouge, rouge comme le sang. Je ne contrôle plus mon bras, ni mon cerveau. La raison a disparu de mon corps d'adolescente de dix-sept ans.

J'essaye de me raisonner. Voyons Anna, ne te mets pas en colère comme ca. Ce n'est pas la première fois que tu te disputes avec tes amies. Ce n'est pas la première fois que tu te sens perdue, que tu te dis que tu ne perceras jamais dans ce que tu aimes faire. Ce n'est pas la première fois que tu es découragée, abandonnée, seule parce qu'elles ne peuvent pas t'aider dans ta passion.

Ce n'est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière.

Mais chaque fois que cela arrive, ça fait mal. Et tu n'en peux plus, Anna, vois les choses en face. Tu n'as pas les codes de l'amitié. Ou tu ne les a plus. Même quand tu es malade tu as des embrouilles! Pourtant tu les aimes, mais... vous n'avez pas les mêmes centres d'interêt... Elles essayent de t'aider, mais tu ne veux pas de leurs compliments.

Tu veux juste des conseils pour t'améliorer.

J'ai envie de hurler à la voix de ma tête de se taire.

La musique défile, et je chante à pleins poumons pour faire sortir tout ce ras le bol. Le temps est allongé, il devient léger, joyeux, heureux.

Sur ma toile est apparu un oiseau qui s'envole vers ses congénères. Contrairement aux autres, l'oiseau est noir charbon, un vilain petit canard différent, peu sur de lui.

Sans le savoir, je me suis représentée.

Je souris doucement en carressant de mon pouce l'une des ailes de l'animal à plumes. Si seulement moi aussi je pouvais prendre de la hauteur, voir le monde différemment...