Anti-sceptiques (part. 3)

Ivan Caullychurn

Heu... comment dire...

C'est complètement dingue quand même le cerveau humain.

Quand on fait une synthèse de ce qu'il est capable de faire, on se dit qu'on est doté d'une machine qui peut se révéler à la fois grandiose de par ce qu'il permet de créer, fantastique dans ce qu'il envisage imaginairement, et surtout complètement tordu quand il évoque des pensées, qui à coup sûr étalées sur la place publique, vous feraient passer pour un névrosé, cruel, égoïste et viscéralement chtarbé. Vous n'êtes pas d'accord ? Ok, prenons un exemple. Pour éviter d'éjaculer trop vite, certains mecs pensent à leur mère pendant qu'ils font l'amour à une fille. C'est pas tordu ça ? Ok cette tactique a son efficacité, mais au détriment du plaisir de l'acte sexuel tout de même. En fait Mesdames, pour que vous cerniez mieux la psychologie masculine, il faut mettre en exergue ce moment de l'acte physique tout à fait ahurissant dont vous êtes totalement aveugles sur l'instant.

Un mec, s'il n'est pas un dieu du stade orgique et connaît quelques problèmes de timing, se verra imposer un choix d'une extrême violence : orgasmique à la 1,33e minute mais dévastateur et déprimant à la 1,36eminute. En effet, après avoir assuré les minima aux préliminaires, vous pénétrez votre partenaire. Jusque-là tout va bien. Pas de nuages sombres à l'horizon. Vous vous dites « hey, pour une fois, je vais peut-être pouvoir me lâcher sans penser à la technique. » Mon pauvre.

Le premier va-et-vient t'a malheureusement conforté dans ta première impression, tu prends naïvement confiance. Les pensées qui t'excitent, « gangbang » sur Youporn, « bukkake » sur Pornhub, s'emparent de ton imagination et tu sens le plaisir prendre possession de tout ton corps.

Deuxième va-et-vient : tranquille. Tu es le roi, ta partenaire, après des préliminaires pleins de promesses à ce stade-là tenues, pousse son premier gémissement.  Quel pied ! Vous allez vous éclater. Tu vas pouvoir lui montrer ce que tu vaux. Prouver à toute la gente féminine que tu peux faire beaucoup mieux que tes précédentes expériences qui t'ont vu craquer trop vite et assurer autant qu'un débutant au poker avec une main de 7 et 2 dépareillés.

Troisième va-et-vient. Ton centre de contrôle interne vient de te signaler un problème. Tu n'as pas besoin de demander un diagnostic plus détaillé, tu sais très bien de quoi il s'agit. L'excitation s'est emparée de manière un peu trop intense de la base de ta verge sur le vient du troisième va-et-vient. Là, tout ton royaume de confiance se fissure et s'écroule, Youporn et Pornhub se sont déconnectés de ton imagination, ton enthousiasme s'est estompé, ta fougue et ta virilité envolées et ton orgueil touché. Un « merde » rentré est jeté violemment de ta bouche vers ta verge, incapable de tenir la distance. Et c'est contraint et forcé que tu te dois de ralentir ton mouvement de bassin. Le quatrième va-et-vient prend autant de temps que pour se couper un bras avec un couteau en plastique et est effectué avec autant d'allant qu'un juif au travail en camp de concentration. Tu n'as plus le temps de maudire ton anatomie que tu tombes dans la phase profondément pessimiste. Aussi rapide et efficace qu'une guillotine, la déprime s'est emparée de tous tes mouvements. Tu sais que ta partenaire a senti la baisse d'entrain et tu sais aussi qu'elle est en train de feindre la continuité du plaisir. À la fin du quatrième va-et-vient où tu as pris le soin de ne pas trop frotter ton pénis aux parois du vagin de ta copine, un soin aussi méticuleux que tu en prenais au jeu Docteur Maboul dans lequel tu devais, à l'aide d'une pince minuscule, ôter des éléments tout aussi minuscules sans toucher les bords sous peine de faire sonner la mort du patient, te voilà bien embarrassé. Tu es conscient que si tu enchaînes le cinquième va-et-vient, tu enclencheras le processus fatal. Tu te dis alors qu'un changement de position résoudrait temporairement le problème. Tu reprends un peu confiance pour faire comprendre à ta partenaire ce désir de creuser le Kamasutra en profondeur. Des dizaines, que dis-je, d'innombrables idées s'entrechoquent en quelques millièmes de seconde pour établir un tableau comparatif des positions avec points forts et faibles. Laquelle n'excite pas trop, laquelle titille moins les récepteurs nerveux du phallus, laquelle continue d'être originale et source de plaisir pour la fille… Toutes ces interrogations se bousculent, et en deux secondes une décision est prise. Te voilà sur le dos, ta cavalière t'a enfourché. Dans ce sens-là, le sang et l'excitation devraient avoir plus de mal à monter. Sur le premier up and down de ta copine, tu es rassuré, l'emboîtement ne surenchérit pas la montée de la sève tant indésirable à ce moment-ci. Comme tu ne contrôles qu'en partie la fréquence et l'intensité des up and down, tu appréhendes encore la mauvaise surprise. Tu assistes, agréablement étonné, au plaisir progressif et puissant de la fille qui elle, n'a aucun problème à se lâcher et se fiche éperdument de la technique. De ton côté, tu ne ressens pas encore le cri final de ta verge. Alors tu te mets à accompagner les up and down de ta copine par des mouvements de bassin. Une fois, deux fois, trois fois et… merde. Ton centre de contrôle interne vient d'appuyer sur le bouton rouge alarme, urgence de niveau 40 – sur 5 -. Tu stoppes tout mouvement, toute gestuelle et serre très fort ton périnée. Tes mains saisissent les hanches de ta partenaire pour tenter de calmer son up and down et ses ardeurs. L'alerte est bouillante, la catastrophe imminente et toi au bord du précipice, teinté d'horrible et de plaisir surépicé. Et c'est ici donc, Mesdemoiselles, personnes aveugles et sourdes au désarroi de votre partenaire sexuel, c'est ici oui, qu'un choix absolument ignoble, cruel pour notre esprit et notre dignité s'opère.

Face à l'imminence d'une catastrophe naturelle, il faut employer la parade la plus connue et utilisée : la pensée détournée. Oui, la pensée détournée vers une image la plus triste, affreuse ou extrêmement repoussante. Et c'est là que l'esprit démontre ses capacités à être tordu puisque l'image de la mère, de la mamie ou d'une vache s'empare de votre imagination. Tu fermes les yeux et tu imagines concrètement que sur ton sexe est empalé un membre de ta famille. Ho putain. Quelle torture, quel sacrifice, quel investissement consciemment jusqu'au-boutiste.

La méthode, alliée à un serrage de la mâchoire hulkuesque, porte ses fruits. Vous avez échappé de peu au finish honteux. Et oui n'oublions pas, nous sommes à la deuxième minute du rapport sexuel. Vous vous relevez, la prenez dans vos mains et l'embrassez. Cette décision permet un arrêt des up and down et une pause salutaire. La tension redescend mais vous le savez, votre sperme est entré dans le dernier sas. Une autre secousse et vous pourrez dire adieu à votre confiance en vous et votre réputation. Votre partenaire semble déçue de cet arrêt puisqu'elle commençait à sentir l'orgasme poindre. En position assise, elle continue tout de même des petits moments de bassin. Votre mère, votre mamie, votre chien reviennent, tous ensemble. Ça ne suffit pas. Votre pote se mêle à la partie. Toujours pas. Et vous sentez le plaisir prêt à déborder, vous retenez, forcez sur votre périnée, ça ne fait que trois minutes, c'est une catastrophe, fosse septique, j'en peux plus, ça va être trop bon, de toute façon elle est très bien cette fille, elle est compréhensive, elle ne m'en tiendra pas rigueur. Alors oui, adieu parents, amis et animaux de la ferme, vous lâchez tout. Mais quel plaisir, quel soulagement, quel pied ! Votre bouche reste bloquée en mode quatrième dimension. Votre corps se tend sous les vagues de plaisir. Un orgasme de fou. Ha ! Mais que c'est bon !

Tes yeux se rouvrent et ton regard tombe sur cette fille, en califourchon sur toi, qui présente des yeux noyés de déception, d'atterrement et d'un début de compréhension simulé.

Votre orgasme fait place à un retour à la réalité. Vous devez trouver une excuse, réagir, si possible de manière crédible. Un sourire embarrassé, des bribes de mots qui se résument à : héhé… eh ben… bien non ?

Voyez ce par quoi on passe Mesdames.

  • ça me donne envie d'écrire la version féminine pour confronter les deux points de vue..
    En tout cas, ce texte m'a faite sourire, quel cruel exercice vous vous infligez là, messieurs, pour notre/votre plus grand (?) plaisir... ;)

    · Il y a presque 7 ans ·
    Texel

    Möly Mö

  • Inédite et pas inintéressante cette version pénienne de l'éjaculation précoce. Je suggère le tantrisme pour gagner en maîtrise.
    Et nous les femmes, par quoi on passe dans ces cas là?

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Img 1518

    divina-bonitas

    • Merci, je ferai passer le conseil du tantrisme à l'ami de mon ami. Non parce que pour qu'il n'y ait pas de quiproquo, je précise que cette histoire est arrivée à l'ami d'un ami hein. Je ne fais que rapporter n'est-ce pas...

      · Il y a plus de 9 ans ·
      N651408269 1831118 4989555

      Ivan Caullychurn

    • Bien sûr! J'espère que votre ami vous en sera reconnaissant...

      · Il y a plus de 9 ans ·
      Img 1518

      divina-bonitas

  • Excellent! Surtout le final : "eh ben... bien non?"

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Img 1379

    Agathe Ramsamy

  • C'est drôôôôle. (Je suis méchante) :)

    · Il y a plus de 9 ans ·
    Cat

    dreamcatcher

  • "on est doté d'une machine qui peut se révéler à la fois grandiose de par ce qu'il permet de créer, "

    Je veux pas trop faire mon relou, mais ça sonne un peu bizarre à mon oreille les changements de sujets dans cette phrase (surtout quand on a l'alternance féminin/masculin).
    Moi j'aurais plutôt mis: "on est doté d'une machine qui peut se révéler grandiose par ce qu'elle permet de créer", puisque le sujet de "peut se révéler" est "qui", qui reprend "une machine", et du coup le sujet de "permet" est forcément le même que le premier qui. On a ici une subordonnée dans une subordonnée.

    Je peux me tromper et ça peut être un choix stylistique tout à fait valide!

    · Il y a plus de 9 ans ·
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    jasy-santo

    • Cher Jasy-Santo, dans le fond ta remarque est pertinente. Mais, sans vouloir me trouver un faux prétexte, cette construction correspond à mon style d'écriture. J'aime casser certaines règles, certaines conventions tant que cela traduit fidèlement mes pensées orales (puisque tu auras remarqué que mon écriture est très orale).

      · Il y a plus de 9 ans ·
      N651408269 1831118 4989555

      Ivan Caullychurn

    • alors on est bien d'accord :)
      j'aime l'inventivité et la créativité que l'on peut se permettre avec la langue française: finie la rigueur! finie la simplicité de l'orthographe et de la grammaire! A bas l'ordre pré-établi de "sujet, verbe, complément"! Inventons, créons, et surtout osons avec la langue!

      · Il y a plus de 9 ans ·
      318986 10151296736193829 1321128920 n

      jasy-santo

    • Alors oui et non :) Je te laisse lire mon billet sur la correction orthographique pour comprendre mon point de vue : http://welovewords.com/blog/correction-orthographique-ou-quand-la-routourne-va-tourner

      · Il y a plus de 9 ans ·
      N651408269 1831118 4989555

      Ivan Caullychurn

    • C'est un peu contradictoire, mais au fond, on a tous ses contradictions

      · Il y a plus de 9 ans ·
      318986 10151296736193829 1321128920 n

      jasy-santo

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