Après les deux tours

Le fax est tombé. Je le retourne et lis. C'est Joyce mon amie américaine.

- Faustine, au secours ! mon pays est envahi, on va tous mourir, ils nous attaquent, aide-moi !

Je fonce au salon, allume la télévision. Le drame passe en boucle. Chez moi il est 15 heures, là-bas vers les 9 heures du matin. J'ai pris le train en route, juste avant que les tours s'effondrent. Nous restons, mon mari et moi, scotché devant l'écran. Impuissants, sous le choc.

- Maman! Quand est-ce qu'on mange ?

Notre fils de six ans ne comprend rien à rien, il regarde les images sans réaliser. Il vit dans l'instant présent, il est innocent, lui.

Au bout d'un moment, j'estime que c'est suffisant, l'épreuve a assez duré. J'éteins le poste pour que cesse ce matraquage, je ne sais pas encore que l'engin diabolique vit ses derniers jours.

Quelques mois plus tard, lorsque notre téléviseur rend l'âme, on ne parle plus du drame depuis longtemps, mais nous avons réalisé, mon mari et moi-même que nous étions en train de nous foutre la santé en l'air à force de nous réveiller dès 7 heures avec les nouvelles de la radio, de ré-entendre les infos à midi, puis le JT du soir et parfois même encore le dernier flash de 23 heures, histoire de dormir en toute zénitude.

Cela suffit! En un dernier sursaut de lucidité nous décidons de débrancher toutes les radios et de ne pas racheter de lucarne infernale. Nous avons procédé à un vote démocratique, proposant d'échanger les soirées cinémas contre des abonnements de journaux et des passages plus fréquents à la bibliothèque.

Grâce à quoi nous avons récupéré un semblant de sérénité. Les nouvelles nous parvenaient "par la bande" et c'était bien suffisant.