Atrocités et autres joies funèbres

Nell Webert Simon

Deux mois après le suicide de Ian Curtis, sort le deuxième album de Joy Division, Closer. En effet, le 18 mai 1980, le leader du groupe de post-punk anglais met fin à ses jours, à la veille de leur première tournée américaine, en écoutant The Idiot, album phare d'Iggy Pop.

L'histoire de Joy Division commence à Manchester en 1976, lorsque le bassiste Peter Hook et le guitariste Bernard Sumner décident, suite à un concert des Sex Pistols, de fonder un groupe. Ils déposent alors une annonce au magasin de disques Virgin de Manchester et reçoivent rapidement l'intérêt de Ian Curtis. Il faudra attendre encore plusieurs noms et changements de batteurs pour qu'arrive enfin le batteur définitif Stephen Morris et que Joy Division soit le nom officiel. 

Leur premier album, Unknow Pleasures, sort en 1979, et reçoit directement de bonnes critiques. On fait référence aux groupes Can et Neu!, tout en remarquant les nouveautés sonores incorporées à la batterie. Un an après une tournée éreintante, le groupe prend une pause en mars. Closer naît. 

L'album commence avec une référence littéraire, « Atrocity Exhibition », autrement dit « La foire aux atrocités », titre du livre de l'écrivain britannique J.G. Ballard et, telle une accroche, le morceau nous hypnotise avant de nous conduire à l'immense « Isolation », prouvant l'importance que Joy Division donnait aux arrangements. « Passover » nous fait passer aux choses sérieuses avec sa langoureuse et décadente morbidité, montrant que ce deuxième album est plus sinistre encore que son prédécesseur. Il y a aussi, dans un même contexte, « Heart And Soul », presque soufflé et abordant de fantomatiques échos. Mais l'apogée cabalistique se situe en « The Eternal », titre le plus sombre que le groupe ait eu à enregistrer. C'est enfin avec « Decades » que l'album se conclue au sein de cette foire aux atrocités, nous laissant en souvenir un voyage spirituel et atmosphérique.

Tout dans Closer est habité, juste et talentueusement construit. C'est certainement le chef-d'œuvre de Joy Division, plus profond, plus beau, plus empreint à la claustrophobie que Unknows Pleasure. De part son aspect funéraire, notamment avec la pochette de l'album et la mort de son leader, mais aussi avec cette fin incroyable, ce chant lancé tel un cri dans la nuit, « Where have they been ? ». Alors, Ian Curtis, je te le demande : et toi, où es-tu allé ?

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