Au bonheur des dames

Apolline Mariotte

Il y a les capelines mutines, les bandeaux rococos, les peignes rétros, les bibis mimis, les voilettes à plumetis. Il y a les nœuds joyeux, les plumes si nobles du faisan, plus nunuches pour l’autruche, les fouets de coq éclatants, les fruits gourmands, les fleurs un brin romantiques. Il y a aussi les aériens, imaginez le gypsophile, les majestueux, comme un bouquet de lys, les proéminents, plutôt glaïeul, les tout plats, évocations du tournesol, les cloches, plutôt digitale, les épurés, on dirait l’orchidée. Il y a les exactement circulaires, les presque carrés, les entrelacés ou les damiers, les asymétriques et les géométriques. Et puis il y a les décalés et les BCBG, les ingénieux et les rigolos, les timides et les discrets.

Au rez-de-chaussée de la rue Fessart, on ne résiste pas à jeter un œil curieux par la fenêtre pour apercevoir Sybille dans son atelier. Les doigts de fée de la modiste teintent, moulent et façonnent, coupent sisal et parasisal, cousent, enduisent, cartonnent, chauffent le fer, assemblent, tordent la corde à piano.

Lorsqu’elle vous fait entrer, elle vous fait passer côté cour et ouvre sa porte sur un petit jardin où les rosiers en fleurs ajoutent à la poésie du lieu. Dans son atelier flotte une odeur de cheminée et de vieilles pierres. Des robes suspendues aux portes, des paires d’escarpins glissées sous les fauteuils attendent de se prêter au jeu précis et délicat de la teinture. Avec savoir-faire, Sybille recompose les couleurs jusqu’à atteindre l’exactitude. Avec goût, Sybille donne vie au chapeau que l’on s’était prêtée à rêver.

Dans un tiroir en bois, des bobines de fil tangerine, violine, bleu lagon, vermillon, se déclinent en d’infinis camaïeux. Au-dessus d’une armoire, des pièces uniques reposent à l’abri de la lumière et de la poussière, enveloppées dans du papier de soie, nichées dans d’imposantes boîtes rondes.

Entre ses mains, le chapeau de paille devient coiffe de haute couture pour être piquée dans un chignon vaporeux, une banane crêpée, un épais rouleau bas sur la nuque. D’un tour de main expérimenté, Sybille dessine une gravure de mode, crée comme le précieux plumage d’un oiseau. Chapeautée de la sorte, le port de tête altier, d’une simple inclinaison de tête, l’on se plaît tantôt à parader, tantôt à se cacher.

apollinemariotte.wordpress.com

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