Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille.

Yvette Dujardin

Comme tu es vieux et que je suis vieille,

Car sous mes cheveux blonds sont des cheveux blancs,

Au mois de mai, dans le jardin qui s'ensoleille,

Nous irons réchauffer nos vieux membres tremblants.

Comme le renouveau mettra nos cœurs en fête,

Nous nous croirons encore de jeunes amoureux,

Et je te sourirai tout en branlant la tête,

Et nous ferons un couple adorable de vieux.

Nous nous regarderons, assis sous notre treille,

Avec de petits yeux attendris et brillants,

Comme tu es vieux et que je suis vieille,

Sous mes cheveux blonds sont des cheveux blancs.

 

Sur notre banc ami, tout verdâtre de mousse,

Sur le banc d'autrefois nous allons causer,

Nous aurons une joie attendrie et très douce,

La phrase finissant toujours par un baiser.

Combien de fois jadis j'ai pu dire " Je t'aime " ?

Alors avec grand soin nous le recompterons.

Nous nous ressouviendrons de mille choses, même

 De petits riens exquis dont nous radoterons.

Avec de petits yeux attendris et brillants.

Un rayon descendra, d'une caresse douce,

Parmi tes cheveux blancs, tout rose, se poser,

Quand sur notre vieux banc tout verdâtre de mousse,

Sur le banc d'autrefois nous allons causer.

Au mois de mai, dans le jardin qui s’ensoleille

Jamais tu ne te sentiras vieux et moi, vielle.

 

- d'après Rosemonde Gérard 

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