Autoportrait en panda lubrique

victoria28

   « Victoria, cette semaine c’est autoportrait. Au présent, hein ! Tu essaies de nous pondre un truc gai pour changer ? Je sais pas moi, met du cul, de l’action ! Et puis fais court, tes dialogues de la dernière fois qui n’en finissaient plus, franchement… »

    Rooooo…. ça, c’est bas. Qu’est-ce que j’y peux si je ne sais pas faire court ? Moi j’aime avoir de l’espace, des personnages et une histoire, du temps pour les dialogues, des dialogues pour ne rien dire, ça s’écrit pas toujours en deux feuillets. Les nouvelles, c’est dur ! Condenser, c’est dur ! La poésie, j’en parle même pas…   un autoportrait maintenant ? Par quel bout ça se prend un autoportrait ?

    « J’écris parce qu’un jour j’ai acheté un roman d’Anne Garréta au Salon du livre et ça a été un choc ».

   Pas mal, ça. Ca permet de parler de bouquins plutôt que de moi, le plan l’auteur comme somme de ses lectures blablabla, forcément intelligentes, hein ! Je vais pas attaquer avec « j’écris parce qu’un jour j’ai acheté un roman de Sophie Kinsella à l’espace culturel du Carrouf et ça a été un choc ». Y a des limites quand même !

   Oui mais non. Ca fait surtout somnifère.

   Je recommence.

   De l’action et du cul. D’accord. Sauf que, ouh là là ! écrire sur le sexe, vous savez faire vous ? Moi non. Avec le rire, le cul c’est ce qu’il y a de plus difficile en littérature. Tôlage direct assuré. Je n’ai pas envie de fournir des motifs de poilade à mon hypothétique descendance sur les huit générations à venir.

   Quoique… ça peut aussi me faire un entraînement pour le concours J’ai Lu ! Je me décris en panda lubrique, par exemple. OK, j’aime pas trop les concours. Mais là ça peut être amusant.  C’est pour ça que je suis ici, après tout. Des trucs sérieux, j’en écris assez par ailleurs. Voyons voir.

   Qu’est-ce que ça dit ? sexyssime gnagnagna …héroïne de chair et de feu gnagnagna… scène érotique… Bon. Victoria mon petit, c’est pas le moment de te prendre pour Sasha Grey. Essaie plutôt dans le genre « Je m’appelle Victoria, j’ai 25 ans et  je vais, sous le désir des impérieuses virilités dressées telles des totems inassouvis… »

   Meuh non, je vais pas écrire ça. D’abord c’est pas vrai.

   Je n’ai pas 25 ans.

   Honk honk honk.

   Je m’égare. C’est mon  problème ça, la concentration. Le démarrage. Une fois que c’est parti, pfff ! ça roule tout seul. C’est le moment que j’aime bien quand j’écris, ça glisse comme dans un slalom, et hop ! une porte, hop ! une accélération, et comme ça jusqu’à la gamelle – vous savez, la relecture à tête reposée le lendemain matin. Quoi, c’est moi qui ai écrit cette daube ?

   J’arrête parce que sinon je vais vraiment parler de ma vie, et franchement vous avez mieux à faire. Même moi il y a des jours ou je préfère me recoucher que de penser à ce qui va se passer ensuite. Je sais, ça se fait pas de louvoyer comme ça. J’ai du mal à parler de moi.

   En plus j’approche des 3000 signes.  Une relecture pour l’orthographe, une relecture pour les coquilles…

    Téléphone.

   « Ouais c’est moi ! Vous refaites la page ? Pas de problème ! J’avais pas commencé ! Et c’est quoi le thème ? Vous vous réveillez transformé en mammifère, décrivez votre première matinée ? Super ! Au conditionnel passé ? Cool ! C’est comme si tu l’avais ! »

   Bien.

   Bien bien bien.

   Pourquoi est-ce que je dis pas non ? Pourquoi est-ce que je sais pas dire non ? Pour le plaisir d’avoir quelqu’un qui me lise?

   Je recommence.

    « Je me serais appelée Victoria, j’aurais été un panda lubrique de 25 ans et  je serais allée, sous le désir des impérieuses virilités dressées telles des totems inassouvis …»

   Qu’est-ce qu’il faut pas faire !

Signaler ce texte