Avant que l'on ne me casse les noix

petisaintleu

Marguerite était le fruit de ma pensée. Je me faisais du mouron car elle avait perdu patience. Avec son accent primesautier qui sentait bon le romarin, elle m'avait surnommé Monsieur Six boulettes, tant j'enchaînais les bourdes rendant mon teint pivoine. Moi, je la qualifiais de puceron, sans qu'elle n'en comprenne l'essence. Je rêvais du miellat perlant de son bouton de rose. Que n'aurais-je donné pour qu'elle m'ouvre sa corolle et que je me délecte de la fragrance de son pistil. Je papillonnais en vain. Cette jolie fleur s'interdisait toute espèce de pollinisation. Ma Marguerite se voulait angélique et refusait de se faire effeuiller, me laissant comme une courge sur des chardons ardents.

Je fus jeté au bord du fossé, ne trouvant pour pénitence qu'une benoîte Pimprenelle aux effluves boucanés.  J'eus préféré une Véronique mais cette belle plante n'affectionnait que les coins ensoleillés et s'effrayait de ma nature ombrageuse. Celle-là ne manqua cependant pas de me venir en aide. Alors que j'approchais la cigüe de mes lèvres, filant un mauvais coton, elle s'offrit en tisane pour stopper l'hémorragie. Une fois requinqué, bien que fauché comme les blés, j'en eus pour mon oseille. L'automne approchait et la demoiselle se prit de passion pour les glands, saisissant ma hampe et me secouant le cocotier comme un prunier à tout bout de champ. Nous vîmes les feuilles à l'envers sans que j'en fasse un foin.

Je n'aime pas prendre racine. En juin, sentant que la fin des haricots approchait et avant que les carottes ne soient cuites, je la jetai aux orties. J'avoue que je ne vaux pas une cacahuète par ma pusillanimité. Plutôt que de lui claquer mon désamour en pleine poire, je ramenai ma fraise en lui racontant des salades. Je partis me réfugier en forêt. Me reposant sous l'ombre d'un chêne me vint une question existentielle : hêtre ou ne pas hêtre. Je n'eus guère le temps de me prendre le chou, sorti de mes chimères par les gémissements d'un saule pleureur qui demandait de l'aide pour sauver un noyer d'une mauvaise baignade. Il était temps que j'arrive pour le sortir de cette ornière. Le pauvre commençait à sentir le sapin !

En fait de noyer, il s'agissait d'une aubépine dont je tombai immédiatement sous le charme. Elle avait de l'esprit et son humour ne manquait pas de piquant. Elle me coupa l'herbe sous les pieds quand elle me proposa d'aller cueillir des pâquerettes. Je ne pus refuser la proposition et je l'invitai à sortir des sentiers battus. Nous arrivâmes dans une clairière où j'étalai ma culture floristique.  Mais elle veillait au grain et elle me labourât les côtes quand je tentai de lui parler de buisson ardent, de fourrés ou de belle-de-nuit. Je n'eus guère l'occasion de lui mettre la main au panier pour y récolter un bouquet garni, encore heureux de ne me pas me prendre un pin.

Mon cœur était en friche. Je n'avais plus la patate. Avant que je ne fane et que je ne me retrouve sur la paille, je décidai de sortir du bois et de reprendre une activité professionnelle. Au vu de mes connaissances, j'optai pour la course à l'échalote. J'avais postulé pour faire homme-tronc au cirque Pinder mais, c'est le bouquet, je m'étais vu refuser le poste au profit d'une femme à barbe. J'eus ma revanche quand j'appris qu'elle ne fit pas un tabac et qu'elle termina sa carrière à tailler des pipes en bruyère à Saint-Claude en se pelant le jonc. Je travaille désormais à l'INRA. En plus de m'occuper de mes oignons, il m'a été demandé de planter des poireaux. Je ne compte pas m'arrêter en si bon chemin. Je ne suis pas du genre à me reposer sur mes lauriers.

Aujourd'hui, je suis heureux de cultiver mon jardin. Terminé le temps où je me prenais des coups de bambou. Je suis cyprès du bonheur, je m'éloigne des landes marécageuses et je pousse désormais sur un terreau  moins acide qui verra éclore de juteux vergers.

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