Beau texte

« En va toi d'là ! » Oui, l'action se passe à la campagne dans le langage du cru. Celle qui crie, c'est la matrone, une femme de caractère, de sale caractère même, selon certains. Elle crie à sa petite-fille, ou sur sa petite-fille, ou contre sa petite-fille, mais certainement pas à Aline pour qu'elle revienne. Bref, elle crie, donc, à (sur) (contre) sa petite-fille , une jolie fillette, toujours en joie à la ferme. Une synergie d'harmonies avec la Nature. Je le sais, ça fait beaucoup, mais c'est mon chef-d'oeuvre, aussi.

« Va t'en tépis ! A c't'heure. » Oui, même moi, je ne comprends pas tout. Mais il faut imaginer l'ambiance, voir la scène dans l'intérieur sombre d'une ferme pas gaie. Les dialogues sont pauvres et rares, donc, celui qui manque d'imagination, va trouver le temps long, peut-être, se faire chier, sûrement.

Mais la matrone, à présent, mets ses mains sur ses hanches, enfin pas les deux mains sur la même hanche, ça fait mal au dos et ça donne une posture à la con. Brel, non. Bref, c'est le signe de la posture du coq qui va lancer son cri de Guerre. « DEBOUT BANDES DE FEIGNASSES !!! »

Mais non, rien ne vient. Elle devait avoir mal aux reins d'avoir biner tout le matin. Enfin, tout le potager, le matin ne se bine pas, par ici.

« Tipis ! Tipis ! » Tient, elle s'est réveillée.

Et voilà que sans prévenir, c'est la fillette qui prend la parole, sans y avoir été invité, l'effrontée, d'une voix cristalline de pureté. Mais que va-t-elle bien pouvoir dire ? Il faut bien que j'entretienne le suspens. Eh, c'est mon chef-d'oeuvre, quand même!

Elle dit : « Non, mère, je n'irai pas cueillir les tipis pour les lapins, j'ai mes devoirs à faire. »

Mais elle ne se laisse pas faire la petite bougresse, on ne sait pas qui va gagner ce conflit passionnant ? Du suspens, encore du suspens, toujours du suspens.

Mais non, on ne le saura pas. Car les hommes rentrent à la ferme et quand les hommes sont à la ferme, les femmes la ferment.