Bill Viola ou la «plusquepeinture».
Christophe Paris
C'est une présentation éblouissante, surprenante, sublime, étrange, touchante, déroutante, mystique, picturale que nous offre le Grand Palais.
Je suis bouleversé au sortir de ma visite, c'est pourtant ma troisième et j'ai des larmes en écrivant cette chronique. Ni l'or Ni le diamant ne sauraient être aussi brillants que cet artiste.
Bill Viola est incontestablement l'inventeur de la peinture 3.0.
La «Plusquepeinture».
Nous avons commencé à gribouiller dans des grottes à l'aide de cailloux et de sang, puis nous avons découvert les pigments, affutés les techniques pour arriver à la peinture. Bill est l'évolution naturelle du processus, l'image vivante métamorphosée en peinture mouvante.
Saississant.
Il vous emmène dans une autre dimension, dans d'autres dimensions. Celle d'un temps ralenti ou votre regard peut se poser et saisir la beauté de l'autour, de l'autre être. Il vous apprend à regarder plus loin que l'image, bien au-delà.
Celle d'une autre verticalité, qui vous emporte dans ce nouveau monde, le vôtre. Je pense à la fin de cette vidéo sur un mouvement d'eau éclairée de bleu mais présentée à la verticale. Ce bleu qui me fait penser à Klein sur ces 8 Métres par 3 je pense . Extraordinaire et pourtant c'est de l'eau. Viola vous aide à retrouver la grâce, vous permet de voir la beauté d'un mouvement ou d'une matière qui vous échappe depuis votre naissance, comme si vous aviez été aveugle toute votre vie.
Une autre dimension, la taille. Les vidéos sont projetées sur des écrans allant de 80cmx60 à beaucoup plus, parfois 10mx3 etc.. C'est l'autre trouvaille, transporter l'image vidéo hors des supports communs qui lui donne tout de suite l'identité d'une peinture. On traverse alors l'histoire du cadre, des écoles classiques à ces tailles démeusurées de l'art contemporain, au travers d'écrans qui scintillent dans vos pupilles. Seule lumière qu'autorise le noir sidéral de la plupart des salles. Les références aux œuvres classique sont multiples, souvent mystiques. On y retrouve des lumières typiques de la peinture flamande, des réprésentations religieuses mais transposées dans notre mine de rien quotidien. Inutile d'être un érudit, tout transparaît avec limpidité et simplicité. On a l'impression de contempler des tableaux de maîtres dont les personnages aux mouvements lymphatiques vous laissent le soin de les détailler au delà de ce que vous voyez. Bill vous apprend à redécouvrir et à vous découvrir autrement, lentement. Ses lumières n'éclairent pas, elles sont illuminées, transcendées, matières. On a parfois ce sentiment que l'éclairage est une sorte de toile vierge sur laquelle l'artiste va coucher ses images. Plans fixes centrés, décors minimaliste léchés au moindre détail, couleurs, noir et blanc, reflets, grain de peau et d'image, mouvements des acteurs, toutes les techniques de prises de vues et de mise en scène sont ici transformées subllimées, réinventées. IL y a aussi ces décors chacun parfaitement à sa place, le cadrage est sans faille sauf la vôtre. L'humain y est une sorte de faire valoir mortel d'un décorum qui lui est infini, poupée sapiens qui vient puis disparaît Et cette eau, omniprésente dans l'exposition magnifiquement utilisée, interprétée. Cette eau qui ne lave pas, qui nettoie le temps, les âmes, qui tranforme ou transcende. Cette eau sous laquelle rêvent des acteurs, qui déforme corps et visage nous renvoyant la laideur et la beauté humaine, sa fragilité, sans pourtant qu'aucun de leur trait ne bouge, stupéfiant. Cette eau qui gomme et gobe les âmes fait perpétuellement partie d'un cycle de vie, jusqu'àprès la mort, thème récurrent, si magnifiquement illustré par «The tristan's ascension» d'ailleurs photo de l'affiche. On pense à cette maison qui de ses deux yeux fenêtres et de la bouche de sa porte vomit des corps dans un déluge d'eau comme on crache des glaires. Cette salle aux cinq tableaux de la naissance à la mort? d'une saison à l'autre? D'un ici à un au delà? Qui sait? Vous seulement vous .
Cet accrochage est un rêve du réel, un objet précieux pour les yeux et l'inconscient, une sorte de «Visiogasme». Cet homme vient d'ailleurs, c'est un envoyé des yeux, venu d'une planète lointaine que nous avons oubliée, nous mêmes.
Au travers de l'autre, du lent, des choses, des matières et des lumières ,Viola veut nous rapprocher du regard de l'infini.
Chacun y trouvera ses clés pour l'accepter ou non, pour s'accepter ou non.
Ne la manquez pas, vraiment.
Comptez entre 5 et 6 heures pour un visionnage complet. Essayez d'y aller au moins en deux fois pour en profiter pleinement. Sincèrement j'espère que vous vous laisserez séduire par cette chronique et que vous irez vous poser dans ces salles si délicieusement obscures. Exposition incontournable non pas dans le sens parisien du terme mais dans celui du plaisir.
Christophe paris.
on dirait que tu décris une révolution (au sens du changement de centre) j'ai hâte de voir de plus près la "peinture 3.0" qui nous fait nous "découvrir" en "poupée sapiens" témoin de cette "planète, nous-mêmes". Très très bonne nouvelle!!!!!!!!!!
· Il y a plus de 10 ans ·Laure Cassus
:)
· Il y a plus de 10 ans ·Christophe Paris
Je suis loin de Paris et c'est dommage... Car tu donnes par ta chronique, envie d'y aller! j'aime quand tu écris: "Cet homme vient d'ailleurs, c'est un envoyé des yeux, venu d'une planète lointaine que nous avons oubliée, nous mêmes." Kiss Vivi
· Il y a plus de 10 ans ·vividecateri
Merci viviane pour ton post, merci pour la phrase en exergue moi aussi je l'aime bien, va mieux ton dos ?
· Il y a plus de 10 ans ·Christophe Paris
Oui merci encore une petite visite chez l'ostéo et je sauterai comme un cabri /... plutôt une vieille chêvre... beeehhh oui!!! kiss
· Il y a plus de 10 ans ·vividecateri
:)
· Il y a plus de 10 ans ·Christophe Paris
Compte-rendu passionné et passionnant. Tu donnes absolument envie d'y aller ; même si on connaît de près le travail du vidéaste, venir l'admirer en taille réelle et en face à face, ça doit être extraordinaire.
· Il y a plus de 10 ans ·Pierre Magne Comandu
Ah merci de ce com concernant ceux qui le connaissent suis content que àa marche aussi pour toi; Oui c'est juste fabuleux, sans frime sans mode vraiment je pèse le mot fabuleux au sens magique. Mérite un billet de train même si on habite loin... et merci d'être passé par là :)
· Il y a plus de 10 ans ·Christophe Paris