BLANC REQUIEM

Si sinueux, ce froid. Le bout de mon nez n'aperçoit plus la cime de l'arbre des morts. Ce lieu maudit de tous, ce lieu qui m'appartient. Le frimas s'étale à toute allure, comme pressé d'ensevelir nos quelques âmes à l'abandon. Ils fuient tous : Je reste… Encore quelques minutes, oui, que quelques minutes et il viendra. Je l'attends depuis si longtemps. Il baigne dans mes pensées les plus glaciales. « … S'il me fait peur ? » « Oui ! Je ne peux répondre que oui ! »  Mes jambes se flagellent. Le feu s'éteint. Ne reste qu'une petite bougie qui se consume à la vitesse de mes angoisses. Sueurs, mains frissonnantes, doigts gelés, que la buée de ma bouche éteinte qui embaume la pièce. Oui une toute petite pièce, jonchée de larmes, de fer et de goudron. Ils le connaissent tous. Ils l'ont tous affronté une fois et, pour certains, davantage. J'ai écouté leur histoire, l'un après l'autre. C'était horrible. Ce grincement dans leur voix. Ils semblaient sous l'emprise de la bête, de cet être qui hante la forêt de nos esprits haineux et éteints.

Voilà, je crois l'entendre. Je retire la couverture qui me couvre et j'empoigne un couteau près de moi. Il paiera cher ma vie. Je vaux davantage que ce qu'il croit. Ça fait beaucoup en écus d'infortune, en écus de détresse et parfois d'amour. Je sens gronder la tempête, ou, est-ce lui à se cacher dans l'ombre d'un sifflement dément? Mon corps figé attend avec autant de désespoir que de haine, ce mandibule assoiffé de moi. Il devra payer de ses actes. Je dois l'éventrer, remettre à la terre ses viscères, terre boueuse, terre des anciens, terre des ombres de la forêt.

Un craquement de branche. Une main sonde la porte. Hurlements des loups, ces loups du malheur, buveurs de sang et rongeurs d'avenir. Lentement elle s'ouvre. Je la regarde par petites secousses, comme des tiges de blé bercées par un chaud vent d'été. Ma bougie s'essouffle. Je sens son haleine fétide et ces grêlons d'un si long hiver. Le voilà… Le voilà… Mon cœur tressaille, mais mon âme demeure impassible. Enfin, la porte s'ouvre toute grande. Je le regarde. Ses yeux jaunes me fixent. Une puanteur me recouvre de partout, eau de jouvence des pauvres, des coupables, des laissés-pour-compte. J'empoigne fermement ma lame. J'attends qu'il soit plus près, tout comme le tentent les étoiles, chacune dans sa nuit, si horriblement seules. Mon cœur cesse de battre. En silence, je m'élance...

Cette guerre durera et durera, car… Je n'en ai pas fini avec MOI-MÊME … …