Bribes autobio : évolution
Léo Noël
I.
On a lancé une partie d’échec que je vais perdre, immanquablement. C’est long une partie, ça me laisse du temps. Hector me regarde intensément. Il réfléchit à chaque coup. Maintenant, je me dis : mais quel enfoiré ! Mais je n’ai que 15 ans, et il en a 30, et son regard me pousse à réfléchir à ses questions, plutôt qu’au meilleur coup à jouer. Je suis pourtant venu pour mettre les choses au clair avec lui.
J’ai réussi à le pousser dans ses retranchements, et il a fini par poser la question franchement, hier, au téléphone. Je suis venu lui répondre.
J’aimerais avoir l’intelligence de me concentrer sur cette partie d’échec. Tout serait plus simple si je pouvais gagner cette partie. Mais Hector me tient. Un livre sur les techniques de Kasparov traine sur la table à coté. Pourtant, je ne suis pas dupe : il ne l’a pas lu, il l’a acheté et posé là simplement pour annoncer sa victoire. Je suis trop faible pour lutter, et ça m’énerve. Mais on ne dira pas de moi que j’ai été lâche. Le vrai affrontement commencera quand le roi sera tombé.
Je regarde le plateau, froidement. Je n’y comprends rien. Quelques calculs rapides pour me rendre compte que mes chances sont nulles. Je pose mon doigt sur le roi. Je voudrais pouvoir le regarder dans les yeux. Je fais tomber la pièce, et mes yeux sur mes baskets.
Long silence. Je ne cesse de me répéter : « dis lui que tu n’es pas homo. Dis-lui qu’il n’a aucune chance. Dis-lui que c’est illégal, qu’il est un gros dégueulasse ! »
Sans lever la tête, je sens ses yeux bleus qui me transpercent la poitrine, et je dis :
« Je ne sais pas… »
II.
J’ai rencontré Julien au café BD. Il dessinait des monstres avec des tentacules, alors on a discuté. On s’est revu plusieurs fois. Je lui parlais de mes histoires pendant un moment, et de la manière dont j’aimerais pouvoir la mettre en image, peut-être grâce à lui.
J’attends son texto. On doit se voir chez lui pour faire avancer l’idée. Mais à la lecture de son message, un frisson me traverse : 54 rue des temples.
Des images d’Hector viennent se bousculer dans ma tête. J’hésite à annuler. Mais quelles sont les chances ? Julien a mon âge, Hector doit maintenant approcher la quarantaine. Presque 10 ans déjà, il a du déménager depuis.
Lorsque je sonne à la porte, mes yeux sont rivés sur la fenêtre. Je m’imagine voir Hector sortir de son sourire malveillant. Je me sens sale en y pensant. Je me souviens comme il était tactile avec moi, sous couvert de bonne amitié. Je me dégoûte de ma naïveté, de la manière dont je suis resté paralysé, car j’aurais voulu faire de lui un grand frère. Je revois les moments où je buvais ses paroles, je revois son visage, je voudrais le frapper à terre, lui faire manger sa merde.
« Léo, comment tu vas ? »
Mon sang cesse de tourner.
Hector vient vers, il embrasse Julien et me sourit.
Je ne peux m’empêcher de me marrer une seconde en pensant au nombre de gay que je rencontre. Je dois les attirer.
Même si je reste d’abord paralysé, comme en souvenir du bon vieux temps, une chose, néanmoins, a changé : je le regarde dans les yeux.
Il a vieilli. C’est la première chose que je vois. Je devine déjà comment il a apprit que je viendrais, comment il n’a rien dit à Julien, et sa jubilation maintenant. Mais de l’autre coté du portail, je ne me démonte pas.
C’est le regard de Julien qui m’a décidé. Je l’ai vu me regarder, presque fier de me présenter son copain. J’ai pensé à lui. C’est vraiment un chouette type, et il est en train de se faire avoir comme d’autres avant lui.
Alors qu'Hector ouvre l’accès au jardin, je lui tends une main décidée.
Sursaut ! J’ai déjà gagné.
Il attrape ma main dans un geste qu’il veut assuré. Je lui fais comprendre, par un regard, que je sais déjà comment m’y prendre pour briser son emprise sur Julien. Sa glotte, je l’ai vu prendre l’ascenseur.
III.
Je bosse sur un film avec Pierre-Henri Bonoeil depuis quelques temps. La chance m’a porté jusqu’à ce monstre du cinéma, qui vient de terminer un tournage avec Nathalie Portman, et se prépare pour un film avec John Cusack. Il aime mon boulot, et on avance bien sur un court métrage d’animation gratté directement sur pellicule.
Alors que j’en parle avec lui via messagerie, un nom, déjà oublié, reparait : « Hector Delaval » is online.
Putain l’occasion est trop belle ! Ce connard tente de percer dans le cinéma depuis des années et n’obtient rien avec des film vulgaires sur l’homosexualité. Le même mol-gland m’a renvoyé le DVD de mon premier film à la gueule avant même de l’avoir vu en me disant : « ça ! ça ne passe pas à la TV ».
J’y vais l’air Innocent :
Léo : Salut, ça va ?
Hector : Tiens ! Tiens ! Oui, ça va, j’ai un contrat avec une boite de prod pour un long.
Je connais ce genre de raccourci
Léo : quelle boite ?
Hector : ils viennent de se monter.
Ben voyons.
Léo : dis-moi le nom juste
Hector : HD prod
Léo : Ahah ! T’as monté ta boite !
Hector : EEEEEEh oui ! J
Il joue le fier, mais je sais parfaitement que lorsque l’on monte sa propre boite, c’est qu’on a été refusé partout.
Léo : Bon super ! Moi je tourne un film avec Pierre-Henri Bonoeil.
Hector : Ah oui ?
La réponse a été longue : il cherche son CV sur le net. Je vais l’aider un peu.
Léo : j’ai son CV tu le veux ?
Hector : pourquoi pas, oui.
J’envoie, et j’attends. Je prépare également un lien vers une vidéo dans laquelle mon nom apparait à coté de celui de PHB. Ill ui a fallut deux minutes.
Hector : donc tu connais Nacosma et Albert Denis ?
Il me demande ça comme un connaisseur, car il a trouvé ces noms sur un site. Nacosma est un film de Mc Laren, et Albert Denis, c’est son voisin, qui est aussi comédien. Je ne lui réponds pas, je lui envoie de suite le lien.
Boum ! Gros silence ! Long silence !
Les minutes passent sans nouvelles. PHB ne me parle plus également, donc je me lance un film.
L’héroïne apprend que son mari est un mafieux quand mon téléphone sonne. C’est Pierre-Henri.
Il me hurle à l’oreille :
« Qui t’a permis de donner mon numéro à ce branque ? J’ai du le menacer d’appeler la police pour qu’il me foute la paix ! »
D’abord je ne comprends pas, puis je m’empare de la souris. Le CV ! Le numéro est sur le CV !
J’explique calmement à pierre-Henri que je ne pensais pas qu’il appellerait. Il gueule. Je comprends. Putain, je suis mal. Puis Pierre-Henri me raconte : Hector lui a dit que je n’étais pas quelqu’un de confiance pendant une demi-heure, et a fini par lui demander s’il voulait bien faire la lumière sur son prochain film. D’une finesse redoutable…
Alors que je raconte à Pierre-Henri qui est Hector Delaval, je me répète à moi-même :
« Maintenant, c’est la guerre ! »
Je suis d'accord avec toi wen, et oui, je l'ai mofifié déjà. C'etait effectivement pour éviter de mettre les noms véritables que j'avais enlevé Fabrice, mais par réflexe, il est revenu. J'écris bcp de nouveau en ce moment, donc je reprendrai ce texte quand j'aurai un peu plus de temps, mais c clair que c lapidaire, et du coup, pas forcément accessible au lecteur.
· Il y a plus de 12 ans ·Léo Noël
Euh... Mys'Karine et Junon, je veux pas vous contrarier mais je n'ai pas trouvé de Fabrice dans le texte de Léo... (à moins qu'il l'ait modifié entretemps).
· Il y a plus de 12 ans ·Pour ma part, il faudrait que tu retravailles un peu le II, ça pourrait être plus clair.
wen
comme Junon, je n'ai pas compris qui était Fabrice. fabrice, Hector, j'ai été perdue.
· Il y a plus de 12 ans ·"mon sang cesse de tourner", ça m'a fait drôle.
y'a rien de grave, j'ai pris plaisir à te lire quand même!
Karine Géhin
D'accord avec les filles, j'ai accroché aussi.
· Il y a plus de 12 ans ·wen
Mysteria et junon, merci pour vis remarques, mais pourriez vous me préciser les "maladresses" et les moments "que l'on ne comprend pas bien" ? Merci
· Il y a plus de 12 ans ·Léo Noël
... ça, ça s'appelle "grandir"... :-)
· Il y a plus de 12 ans ·Je trouve que ça se lit bien, et on accroche, malgré quelques maladresses dans des constructions de phrases, et un petit méli-mélo de prénoms page 3 (Hector devient Fabrice... autobiographique.... ??)
En tout cas, tu as su transmettre une certaines atmosphère, et j'ai aimé.
Bon retour parmi nous Léo... :))
junon
@mystéria : non pas de suite ! mes bribes s'appellent ainsi pour cette raison ! ^^
· Il y a plus de 12 ans ·@pawel : ne te force surtout pas ! les bribes autobio ne sont pas littéraires, puis qu'elles sont l'essence pure de mon ressenti. Elles sont donc soumises à la sensibilité de chacun ! je serais déçu de faire l'unanimité de ce coté là, j'aurais l'impression de ne pas m'être révélé entièrement. J'apprécie ton honnêteté ! merci !
Léo Noël
contrairement à Karistèrya les premières phrases ne m'incitent pas a aller de l'avant, je fatigue trop vite et ne trouve pas la phrase qui me motive pour apporter un texte complémentaire...
· Il y a plus de 12 ans ·Pawel Reklewski
j'ai accroché Léo! si je peux me permettre, il y a quelques passages un peu confus, mais j'ai aimé quand même. y aura-t-il une suite?
· Il y a plus de 12 ans ·Karine Géhin