Cambre-toi

Frédéric Cogno

Oui, viens, le désir tangue, écossons nos frissons,

Le vent frémit de toi et surprend l'horizon,

A craqueler la mer d'où se gerce la lune.

Cambre-toi!

Goélette embardée d'épiderme hibiscus,

Deux voiles impatientes, Aphrodite et Bacchus,

Te stimulent soudain d'un délice d'écume.

Cambre-toi!


Un arc au fil de l'eau, soupirs et sillons blancs,

Ton corps badiane en T, Orion de l'océan,

Tire à flèches d'anis  et calque les étoiles.

Cambre-toi!

Irruptions irisées d'un plaisir flibustier,

Dessaisie des torpeurs, des vagues en bustier,

Le ressac t'éjecte d'un salto boréal.

Cambre-toi!


J'aime en toi la salve de tes seins jeunes mousses,

Barreurs, debout, dressés, pointés sur la Grande-Ourse,

Quand la proue vient percer la fumée des résines.

Cambre-toi!

Prise par les Tritons, nue, prends garde aux sirènes!...

Goéland expulsé par la queue des baleines,

Tu retombes plus loin sur la lame marine;

Cambre-toi!


Je te retiens perdue, mon cœur à l'abordage,

Quand ton front bascule dans les flots exégètes,

Tes cheveux déployés, tels des filets se jettent,

S'égouttant  sur le pont, étendoirs à nuage.

Cambre-toi!  

Et je passe mes mains sous ta coque flexible,

L'ancre vient nous sceller à nos jeux infaillibles,

Et mes doigts s'unissant à la pêche fantôme,

Tu remontes à tes reins, crabes et anémones.

Cambre-toi!


Vois, la terre ferme, un jardin, et des collines,

Des tons bien plus changeants, un port, celui de Smyrne,

Déjà tu te languis à te mouvoir plus belle.

Cambre-toi!

Un petit pont renaît de ses roses perdues,

La treille s'entortille à tes membres tendus,

Et des grappes d'ardeurs mûrissent aux aisselles,

Cambre-toi!


S'avivent les oiseaux au cocktail des abeilles,

Tu trembles corps et âme, et, anse à ma corbeille,

Tu gémis bouche-baies entre stupre et stupeur.

Cambre-toi!

La tonnelle loue l'ombre et les rayons captifs,

Et les fleurs d'or, l'iris, et les lilas lascifs,

Incarnent sur ton ventre un bouquet pour noceur.

Cambre-toi!


Et je m'en vais flâner agrippé à tes lianes,

J'entrouvre ton bassin tel des rideaux de Diane,

M'offrant un peu plus haut, son beau plateau d'agrumes.

Cambre-toi!

Je les presse empressé en pressentant ces proies,

Fruits choyés du levant aussi mûrs que l'émoi,

Aussi chauds des tétons que mon dard rouge enclume.

Cambre-toi!


Sous l'arcade, allongées, des violettes papotent,

Des brèves de catins, de la prose Rimmel,

Un ruisseau vient chanter s'écartant sur les ailes,

Et grossit un barrage empli de jolies notes.

Cambre-toi!

Je te retiens encor, je reviens à tes seins,

Puis à ton nombril, marche, avant le grand tremplin,

Qui me propulse en toi, des reins jusqu'à ta bouche,

Pour cercler mes baisers, un par un à la louche.

Cambre-toi!


Prends, ailleurs, près des monts, ta source aux galets d'or,

Rejoins-moi, regagnons, le torrent Messidor.

Ô jets de cascatelle aux vapeurs de mesclun!

Cambre-toi!

C'est un val audacieux qui tonne à l'échancrure,

Dans sa saga creusée à l'ubac des tortures,

Tu éclabousses, ô femme! entre râle et embrun!

Cambre-toi!


Inaccessible endroit! Danger pour l'acrobate!

Une crique aux lutins dans son siphon m'épate,

Me laissant deviner la halle aux tubéreuses!

Cambre-toi!

Sous ta voûte endiablée par le cri des ténèbres,

Le soleil vient jouer au sorcier sans vertèbres

Qui danse et jette au feu des bûches mystérieuses.

Cambre-toi! 


Tour à tour feuilletée en effleurant tes pages,

Ou copeau impulsif  rétif au rabot sage,

Tu sens venir vers toi une étrange impression.

Cambre-toi!

Tes coteaux, jeune vigne, onguent sur tes versants,

Hameau fier et fertile, ô blé pour du pain blanc,

Caracolent d'un mal, éboulis d'ambre, quand,

Quelque secousse en toi éructe et te disloque.

Cambre-toi!


Séisme et jouissance aux cimes enfumées,

Fendillement d'orgasme ainsi catapulté,

Lave et limbes unies  , ma momie des trachées,

S'extirpe du cratère..., un volcan ventriloque!

Cambre-moi!

 

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