C’est chiant, hein ?

Hervé Lénervé

Tiens, j’sais pas trop ce que je vais bien pouvoir raconter, là, moi, aujourd’hui ? Tant pis, surtout pour vous, je me lance quand même.

Voilà, voilà, voilà... Bon, je voulais dire que je suis là, quoi... voilà.

Bien sûr, vous ne pouvez pas me voir, parce que ces caméras qui vous regardent pendant que vous écrivez, ça me rappelle l'école. Bien que les instits, eux, ils avaient, au moins, la  décence, eux, de se cacher derrière votre dos, pour vous niquer les oreilles par derrière, eux. Non, moi je ne suis pas pour tous ces regards informatiques lubriques sur mon intimité personnelle intérieure à moi-même.

Par exemple, là, comme vous ne voyez rien, que dalle, que chiques dans les prés, je peux écrire en pyjama, si je veux ! Bon, des pyjamas, j'n'en ai pas, à poil alors, si je veux ! La liberté totale, quoi !

Ceci dit, rassurez-vous, il fait trop froid chez moi pour que je me dévêtisse  de mes trois manteaux et d'un tapis oriental comme écharpe dorsale. Oui, je n'chauffe pas, chez moi ! Non ! Trop cher à chauffer ces châteaux renaissance, à faire renaître, de trente mètres de hauteur de plafond. De plus, j'ai la moitié des vitres cassées, donc je pense qu'il vous faudra attendre la canicule pour fantasmer sur ma nudité à poil,  cachée, derrière mon écran.

Mais je parle, je parle et je ne parle que de moi ! Alors que je ne suis pas là pour parler de moi, mais de vous !

Alors vous, ça va, finalement ? Un peu chiant, quand même, oui, je sais.

Mais vous avez déjà du mérite d'être arrivé si loin. Moi, j'aurai lâché bien avant, au titre, tiens ! 

Autrement pas trop froid, sans ça, non ? Parce qu'ici, je vous le reprécise, ça caille grave, j'ai les doigts en stalactites et les pieds en... en... en artichauts gelés des pieds, allez, pas mieux !

Mais vous avez peut-être la chance, vous, de ne pas habiter un château renaissance de trente-cinq pièces, re-vous ?

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