Chips à La Tuilière

Xavier Reusser

Avant même de commencer à écrire le moindre mot, j'entends déjà les questions : mais c'est quoi Chips ? Et La Tuilière c'est où ? Pourquoi donc ce type nous parle d'un groupe inconnu dans un trou perdu ?


Oui, mais alors le souci, c'est que les concerts j'ai pas trop le temps d'aller en voir, moi. Rapport à mes horaires nocturnes de travail... Je suis musicien et Chips c'est mon groupe et La Tuilière, c'est un tremplin auquel nous avons participé ! Du coup, vous allez lire en exclusivité mondiale une chronique de concert vu de l'intérieur !


Nous sommes passés en dernier dans la soirée, après trois groupes de styles très variés et plutôt originaux, pas du genre qui utilisent comme photo promotionnelle un cliché où les musiciens sont chacun assis sur une marche différente d'un escalier de cité décrépie en tirant la gueule et en regardant chacun de son côté. Enfin si, un peu pour l'un des groupes quand même... Mais bon, il y a pire, ils auraient pu utiliser une photo en noir et blanc du chanteur en train de marcher sur une ancienne voie ferrée avec une guitare sur l'épaule. Le vieux mythe du folk-protest-songwriter qui ne se déplace qu'en train de marchandises. Alors que de nos jours, le vrai moyen de transport alter-mondialiste, protestataire et anti-capitaliste, c'est Easy Jet...


Bref, comme avec Chips, on jouait les derniers, on a balancé les premiers (et hop référence biblique discrète). Balancer en jargon de musicien, c'est pas comme dans le paragraphe précédent, il n'y a pas de mauvais esprit. Balancer, c'est simplement installer le matériel sur scène et régler le son. Balance vite faite, bien faite, gros son en façade, très bonne écoute sur le plateau, tout roule, sauf qu'à peine les instruments remballés, épisode cévenol, déluge (et re-hop...), inondation de la scène, suspension des balances des autres groupes jusqu'à nouvel ordre et pour Chips : France-Allemagne en quart de finale de Coupe du Monde devant des bières et des pains bagnats (je sais, c'est pans-bagnats, mais cette licence poétique trouvera son sens un peu plus bas, faites moi confiance).


C'est donc avec un retard certain et une certaine fatigue que nous avons entamé notre set. Et ceci expliquant cela sans toutefois l'excuser, nous avons mis quelques pains en chemin. Un pain en jargon de musicien, c'est pas comme dans le paragraphe précédent, c'est juste une bonne grosse fausse note. Heureusement, personne ne nous en a fait le reproche. En fait, il semble y avoir une grosse différence entre ce qu'on ressent sur scène et ce qu'on entend du public, et ce, toujours à l'avantage des musiciens. En tout cas, c'est ce que je me suis dit juste après un accord magistralement plaqué un demi-ton trop haut. Et puis quand on est un groupe inconnu qui joue ses compositions que personne n'a jamais entendues, on peut se planter. Si on garde le sourire et l'air d'y croire, ça passe inaperçu, ou mieux encore, c'est interprété comme une « touche dissonante et avant-gardiste qui souligne un peu plus la splendide maîtrise mélodico-rythmique des schémas harmoniques populaires caractéristiques de la seconde moitié du XXè siècle », si si !


Quoiqu'il en soit la demi-heure qui nous était impartie est vite passée et à l'amorce du dernier morceau, je sentais déjà poindre en moi une nostalgie dévastatrice, lorsque j'entendis un « Chips je t'aime ! » et quelques cris d'encouragement. C'est l'avantage quand on joue tard, en fin de soirée, ceux qui sont restés sont à la fois imbibés et désinhibés. J'attaquai alors l'introduction de Killing Me, notre ex-futur tube, en fermant les yeux, m'imaginant en train de jouer à Wembley (le stade londonien, pas la ville canadienne) devant une foule en délire. Et ça a marché ! Pour la première fois en quatre ans d'existence, un public a dansé sur notre musique et nous avons quitté la scène sous les vivats enthousiastes d'une (fraction de) foule en délire !


Mais, mais, mais, j'entends encore une dernière, toute petite question : Chips a gagné le tremplin ou pas ? Ma réponse : on s'en fout, la musique n'est pas une compétition ! (et ça, ça ressemble à une parole de vainqueur)


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