Chute

Camille Verdier

Il était immobile face à la mer; ou, plus justement, face à un immense vide, qui permettait de voir l'océan.


Il était ancré dans ce sol sale, bruyant, froid; il aurait voulu s'élever, et toucher le ciel: le beau ciel cristal, apaisant, délicat.


Il se transforma.


Ses jambes s'allongèrent, elles devenaient fines, squelettiques; ses rotules se plièrent violemment vers l'arrière. Son torse gagna de l'ampleur, se densifiant: ses poumons semblaient avoir été démultipliés. Ses épaules remontaient étrangement haut sur son cou, allongé et robuste. Son visage s'amincit, ses yeux se creusèrent, bleu azur, sa bouche se noya sous son nez étrange.

Il avait mal, il souffrait terriblement de ces horribles et inhumaines transformations. Il ne sentait plus rien; il hurlait de l'intérieur, son corps brûlait atrocement, sa tête hurlait d'incompréhension.


Doucement, son corps douloureux s'approcha du vide. Il sentit l'air engouffré dans cette immensité naturelle secouer ses nouveaux muscles, ses nouveaux membres.

Il bascula.


Alors, il déploya ses grandes ailes noires, battit cet air chaud de ses plumes luisantes. 

Il suivit les contours de l'horizon, il suivit les nuages du ciel, il suivit les enveloppes d'air; et il poussa un cri strident, de sa gorge devenue gosier.

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