Comme un retour de vacances.

Marguerite De Branchus

Le printemps ne s'était encore pas décidé à pointer vraiment son nez. En ce dimanche tout gris, en ce midi perlé de pluie, en ce jour de fête nationale du travail, on s'était réuni autour d'une tartiflette entre deux pincées de sel, de giboulées de mars et de quelques brins de muguet. On avait rien prévu de la journée et c'était bon de se laisser porter par l'inconnu. Du repos. On voulait seulement un peu de repos pour finir la semaine. 


C'est finalement au service pédiatrie qu'on a fini la nuit avec une histoire de coeur et de cerveau dans la tête. L'inconnu nous avait finalement porté vers un autre ailleurs que nous n'avions pas soupçonné. Pas facile de s'endormir, la tartiflette nous laissait un goût amer. Un lit qui grince, un air aseptisé qui donne la nausée, des voyants qui s'allument de partout, l'impression d'être enfermé. On se sentait tout à coup prisonniers de cette tour, à seulement quelques pas de chez nous. C'était tout sauf ce qu'on avait prévu pour commencer la semaine.

 

Un autre petit lit en forme de cage, des électrodes sur la tête, des prises de sang, des malades à tous les coins de mur, des réveils en plein milieu de la nuit, des pas interminables dans le couloir sans bruit, des cris de nourrisson à l'orée du nouveau jour, des battements du cœur qui résonnent encore dans la tête alors qu'on retenait nôtre respiration. Pour sûr, ils faisaient tout pour qu'on n'ait pas envie de s'attarder trop longtemps entre ces quatre murs et pourtant on n'avait pas d'autre choix que d'attendre. Des résultats et des réponses à nos questions qui finissaient par tourner en rond.

 

Et puis finalement après trois jours enfermés, deux nuits sans étoile et quelques plateaux repas partagés le regard fatigué et le visage en berne, on a fini par nous libérer. La coeur et le cerveau, tout fonctionnait comme il faut. Nos questions n'avaient pas trouvé de réponses mais les battements du coeur et les ondes du cerveau avaient parlé : tout battait en cadence, la danse de notre petite vie bien rangée pouvait reprendre. 

 

On a ouvert en grand la fenêtre pour respirer à plein poumon l'air qui planait autour de notre maison comme un retour de grandes vacances bien mérité. On est rentré tous les trois en sautillant, en savourant le moindre de nos gestes qui nous paraissait d'habitude si anodin. On se regardait un peu plus longtemps comme si depuis la semaine dernière, ces quelques heures emprisonnées nous avaient donné envie de nous aimer encore un peu plus fort. Un peu éreintés par tous ces doutes qui sont venus nous sauter au cou entre deux morceaux de pommes de terre, on a ouvert les volets en grand et on a repris notre vie à pas de géant. 

 

En ce début du mois de mai, en ce jour de fête nationale, en ce dimanche de repos qui n'en était finalement pas un, et si au bout de tous ces si qui ont ponctués ces dernières nuits, ce n'était pas simplement la tartiflette de trop à l'aube d'un printemps qui était résolument bien là devant nos yeux ?


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