Confessions...

Confessions

L'écriture est pour moi une psychothérapie, je veux dire pour les autres, pas pour moi. Moi je suis normal, absolument normal. Si normal qu'à ma naisssance le médecin déclara à mes parents : « Il est tout à fait normal ! » Ce qui rassura mes parents qui voulaient un enfant normal, comme les autres...

Ils voulaient tellement un enfant normal comme les autres qu'ils m'ont rendu dingue,  à la longue, peu à peu...

Oui ils voulaient que je sois comme les autres, un goitreux de l'âme, un boiteux des relations humaines, un nabot grelotteux de peur, un peigne-cul bien rangé qui ne pense que ce que les journaux et la télé disent, et qui croit en plus qu'il pense par lui-même !

Ils ont finit par me rendre dingue avec leur normalité, bande de dingues !

Alors pour me guérir je me suis mis à écrire, à écrire. J'ai appris à lire et à écrire très tôt. A dix ans je connaissais toute l'oeuvre de Freud, à onze celle de Jung. A treize ans je rédigeais des articles pour « New-Scientist », sous un pseudo et en anglais naturellement, anglais que j'avais appris tout en étudiant «Le second principe de la thermodynamique » de Max Planck.

Mais à quatorze ans j'en eu assez et me mis à rédiger mon œuvre, ma « Grande Oeuvre » : une autobiographie du Duc de Richelieu en dix volumes. Peut-être fus-je un peu trop ambitieux sur ce coup là, à la dixième page j'arrétais tout. D'autant plus que je m'aperçus que je n'étais pas le Duc de Richelieu et que je n'avais donc aucune raison d'écrire à sa place son autobiographie. Je me rendis compte EN FAIT que j'étais Ravachol, le terrible Ravachol, le dynamiteur qui faisait trembler la bourgeoisie...

L'écriture est pour moi comme pour la plupart des gens qui écrivent, une psychothérapie, mais une psychothérapie pas pour moi, mais pour les autres. Je veux les guérir en écrivant. Moi je suis normal, absooolument normal normal, normal comme moi quoi!

Ce sont les gens qui sont fous, je suis entourés de fous, mes parents étaient fous, tous ces gens qui acceptent ce monde et qui disent : « C'est normal ! » ou encore : « C'est la vie ! » sont fous...

Ils ne connaissent rien à la vie, d'ailleurs ils l'ont dénaturée. La vie ils la subissent comme de misérables vermisseaux inconscients qu'ils sont. Ils ont fait un monde à leur image, incohérent, injuste, absurde et triste. Et ce sont les mêmes qui prétendent me donner des leçons de normalité ? Ah ah, je rigole !

Je m'en fiche, je suis Ravachol, j'ai préparé une super méga-bombe que je ferai exploser tout à l'heure et tous ces gens normaux vont sauter en l'air !

A moins que, à moins que... à moins qu'ils ne viennent tous se prosterner à mes pieds en reconnaissant mon génie... »

Le docteur reposa la feuille de papier sur la table, toussota et dit : «  C'est bien, c'est très bien monsieur Roubignolle, on avance... Continuez à écrire tout ce qui vous passe par la tête, c'est thérapeutique pour vous, vous le savez... N'oubliez pas de prendre vos pilules surtout. Tout à l'heure les infirmiers viendront pour votre douche froide hebdomadaire, et si vous n'avez plus de papier pour écrire n'hésitez pas à m'en demander... »

La porte se refermit et je continua à écrire, à écrire, comme un fou...