Tu es venu c'était juin.

Chaque matin c'est un peu plus le matin.

J'ai encore parfois des réminiscences de ce juin d'il y a deux ans. Du silence où je m'étais enfermée.

Chaque matin c'était le même matin.

Les mêmes espoirs étouffés à peine dessinés.

Partir. Je murmurais. Partir. Je parlais de plus en plus bas. Partir. La chair finissait par manquer. Partir. Les appétits s'étaient réfugiés dans un coin fou de ma poitrine. Partir.

Je me taisais. Bouche fermée. Bouche fermée. Tu as entendu.

Chaque matin c'était un matin de plus.

Avec son poids des autres sur mes épaules qui craquaient. Epaules creusées. Plus de baisers.

Partir.

Je restais.

La vie que l'on ne vit pas vous ronge dedans.

Tu es venu dans les petites choses. Dans les premiers soleils. Avec les fruits. Avec la mer. Tu es venu comme la plante sort de terre. Je n'ai plus jamais de mots pour te dire ce que les tiens ont sauvé.

Ce que ta main sur la mienne, dans la voiture, ce matin-là. Ce que toi. Tout entier. Tu es venu avec un grand souffle de vie, sur les espoirs tapis comme feuilles mortes dans mon ventre.

Tout est possible, que ça disait. Tout est possible.

Un jour tu as dit que l'on n'aurait jamais rien inventé sans le matin.

Tu as dit aussi que le plus extraordinaire des hommes ne vaudrait jamais la femme la plus ordinaire.

Tu t'es trompé. Je suis ta femme ordinaire. Et je suis ton égale. Et tu es mon matin. Mon extraordinaire et possible matin.

Chaque matin, ton corps étendu près du mien.

Chaque matin c'est un peu plus le matin.

*photo perso.