Dépendant
tantdebelleshistoires
La nuit est encor' noire, il doit se réveiller,
Sortir de la chaleur de sa couette fripée.
Dévêtu sans pudeur, lavé, tourneboulé,
Assis et puis levé, son corps abandonné.
Transféré au fauteuil, déplacé vers ailleurs,
Roulé dans des couloirs assombris de sa peur.
Odeurs aigrelettes, eau de Mont St Michel,
Il suit tous ses copains dans la grande salle blême.
Défilé bien étrange de ces vieux à roulettes
Parqués le long d'un mur sur un fond de guinguette.
Il somnole encor' quand un tube de néon
Aveugle ses yeux gonflés de son trist' abandon.
Une torpeur suinte de son spectre transis,
Il s'éveille surpris de se mourir d'ennui.
Le silence est crevé de bruits trop familiers,
Chariots disparates, dextros , p'tits déjeuners.
Une porte vitrée laisse entrer le matin,
Les dames du bureau, le facteur, le médecin.
L'ancien s'mèle résigné à cette agitation,
Dans ce jour nouveau, n'surtout pas être un pion.
Il bouscule ses vieux os jusqu'au soir venu
Puis après le dîner, ses forces revenues
S'échappe en se roulant vers la porte sortie
Subitement empressé de s'retrouver au lit.
Prisonnier de barrières dîtes de sécurité,
Une couche souillée sur son intimité,
Aveuglé de la torche des rondes noctambules,
Le vieux cesse de lutter, s'évade dans sa bulle.
Ce texte m'est venu suite au reportage de France 3, Pièces à conviction "les secrets d'un gros business.
· Il y a environ 7 ans ·C'est bien du point de vue d'un résident...subissant son sort dans un contexte institutionnel déshumanisant où il n'y aurait pas de projets avec les bénéficiaires au cœur des réflexions de prise en soins.
C'est évident une invitation à réinventer sans cesse les institutions accueillants des personnes âgées très dépendantes.
tantdebelleshistoires
C’est exactement ça...c’est tellement triste de devoir en passer par là quand on vieilli. Être loin des siens et s’abandonner à des inconnus sensés s’occuper de vous
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Je suis d'accord. .. Ton texte a le mérite de se situer du point de vue personne dependante, ce qui apporte un éclairage on ne peut plus réaliste sur le quotidien de ces oubliés de l'amour. Par-delà ce texte, c'est la vieillesse qui est mise en avant avec toute la décrépitude progressive qu'elle implique. Bravo pour ce que tu as écrit et pour la manière dont tu l'as fait.
· Il y a environ 7 ans ·Sy Lou
Oui C'est un peu ça en vérité mais pas que il y a toujours et encore beaucoup d'humanité dans ces lieux, des sourires bienveillants, des airs chantonnants, des instants de causette....
· Il y a environ 7 ans ·unrienlabime
C'est atroce de vivre ainsi sa fin de vie, sans chaleurs...
· Il y a environ 7 ans ·Merci pour ces textes emplis d'humanité et d'amour Véronique.
nilo