Derrière moi

jones

Derrière moi j’ai laissé, le concert finissant de ce type rasé et sautillant qui croyait pouvoir tout faire tout seul avec son piano, ses machines, ses baskets, ses bretelles et son jean blanc.

Derrière moi j’ai laissé, des bras nus sur des robes à pois, des corps ronds et chaleureux dans des habits sans honte, des cheveux blonds sur des robes trop vertes comme des tournesols dans les prairies d’été. Derrière moi j’ai laissé, une femme qui parle fort du vent et des rues qu’il embrasse, des terrasses silencieuses et fatiguées, des chants cubains sous des poitrines bronzées, des désespoirs à venir dès demain. Derrière moi j’ai laissé des projets sans lendemain, des promesses au bord des lèvres comme des cerises prêtes à éclater, des sourires et des jupes qui volent au-dessus de mollets. Derrière moi j’ai laissé passer l’espoir, tes cheveux et ton cul qui balance, des voix pleines d’amers regrets.

Derrière moi j’ai laissé toute la nuit offerte aux souffles et aux questions, j’ai laissé des dessins à la craie sur le trottoir, des figures tristes et des coeurs en chute libre tournoyant dans des corps trop grands pour eux. Je ne vous suis pas, je rentre, j’ai dit. Trop grand pour moi.   

Derrière moi j’ai laissé des verres et des dévers. Je remonterai la pente, tu verras, je m’inspirerai de ces jours où je te mangeais par petites bouchées, ces jours où, fatigué mais heureux, je te tenais la main sûr de n’avoir plus faim. Alors, je reviendrai vers toi, gonflé et puissant dans mes glorieux habits d’autrefois te dévorer comme une miche de pain dorée.

Bientôt, le tramway tremblera de langues étrangères, une petite fille, longs cheveux et un bras dans le plâtre, tournera autour des barres, des perles de rire, un chant de merle sortant de sa gorge. Descendue à l’arrêt, elle continuera de tournoyer en riant autour de son père. Bientôt encore, le tramway me déposera devant chez moi, je monterai l’escalier en me demandant ce que j’ai bien pu rater ce soir encore.

Signaler ce texte