Des machines et des hommes

C’est chiant, un ordinateur.

Le mien, par exemple. Quand je reçois un message, il émet plaintivement un drôle de pschitt. Qui n’est pas sans rappeler le cri énamouré de la mouette rieuse à la vue d’un Rafale à l’appontage. C’est un peu strident : je baisse le volume, jusqu’à obtenir le son exact produit par le chien pétant dans la ouate lorsque, rassasié de fayots et autres nourritures pétogènes dérobées en dépit de ma vigilance, la tripe en perdition, ce noble animal s’abaisse à l’exercice de la flatulence. Enfin bref, quand je perçois ce bruit caractéristique, c’est que j’ai reçu un message. Quand j’en perçois l’odeur, c’est que c’est le chien. L’appareil est perfectionné, mais pas à ce point. Ou alors, c’est moi qui suis la proie d’un phénomène de synesthésie particulièrement vicelard. De toute façon, c’est agaçant ; donc, je décide de me livrer à une manœuvre hardie, à savoir « éteindre l’ordinateur ».

Le truc à ne pas faire.

Aussitôt, celui-ci se défend : “Souhaitez-vous réellement éteindre votre ordinateur maintenant ?“ Sous entendu : “fais gaffe à tes miches, mon pote, tu te lances dans le bizarre, là“. Aurai-je le cran, à l’instar du fier Andalou défiant le taureau dans l’arène brûlante, de défier l’ordinateur en cliquant sur “oui“ ? “Sinon, prévient-il, celui-ci s’éteindra automatiquement dans 59, 58, 57, 56 secondes… Deuxième sous-entendu : “après, on ne pourra plus rien pour toi. Même dans tes rêves. Ton âme damnée errera pour toujours dans les corridors du tourment, ton nom sombrera dans l’oubli, et ta facture d’impôts triplera chaque année. 31, 30, 29, 28…“

Dans ces conditions… Je clique sur “non“, évidemment. Tout en m’adressant in petto une avoine sérieuse pour motif de lâcheté insigne.

Et aussitôt, ça ne rate jamais : “pschitt“.

Saleté.