Des mites et des histoires

  Je suis devant l'ordinateur, consultant mes mails, sans grand intérêt, entre factures, rappels de pétitions signées et un lien pour le Journal des femmes, où un clic me permettrait d'admirer jardins, vérandas et pulls d'hiver. Sans intérêt ! Je n'ai qu'à tourner la tête pour admirer mes hibiscus, hortensias et rosiers, sans oublier mon buddleia chanteur¹. La véranda ? J'en rêve, mais mon banquier nettement moins. Quant aux pulls, ils sont déjà bien assez nombreux, pliés dans l'armoire, inépuisable garde-manger des papillons aux tristes robes grises. Pauvres bêtes ! Leurs cousins arborent des couleurs chatoyantes et font l'admiration de tous, alors que ces malheureuses mites sont pourchassées avec des armes aussi redoutables que le thym et la lavande, des marrons et du laurier. Et après ? N'ont-elles pas le droit de se trouver un logement douillet ? De rechercher leur pitance afin de fonder une famille ? C'est curieux cette façon que nous avons de classer les êtres en nuisibles ou non. Certains méritent de vivre confortablement, tandis que d'autres sont condamnés à crever. Les uns grossissent sous les rayons des supermarchés, tandis que d'autres errent d'un pays à l'autre sous le regard inquiet de ceux qui craignent pour leurs chandails.

  Savez-vous que, chez les Tineola bisselliella, ce sont les larves, qui, en fait, dévorent nos précieux vêtements ? C'est un peu pareil chez les humains. On tremble de peur devant de pauvres hères qui fuient guerres et famines, en craignant qu'ils vont dévorer nos biens. Mais, cherchez bien ! Qui est responsable réellement des désastres économiques ? Les groupes financiers, les actionnaires, certains grands patrons, qui n'hésitent pas à délocaliser pour trouver une main-d'œuvre bon marché, plus servile. Ironie absolue. Ceux qui crachent leur venin haineux sur de malheureux clandestins sont les mêmes qui admirent les big boss des entreprises, celles qui engloutissent goulûment les bénéfices et font tout pour fuir les impôts. Ah le darwinisme social !

  Mais, alors, que font donc les mites adultes ? Elles passent la majorité de leur temps, non à se nourrir, mais à rechercher un partenaire sexuel. Voilà de quoi finalement les rendre sympathiques. Peut-être que notre cousin n'est pas un primate, mais un papillon gris... Mais, peu importe ! Que nous soyons parents avec une mite, un orang-outan ou un migrant, puisque leur sort nous est indifférent…

1) http://welovewords.com/documents/le-chant-du-buddleia