Désastre-minute
sophiea
Un adolescent est mort en enfreignant la loi.
Je ne suis pas là pour juger de ça.
Juste vous raconter mon quotidien.
Je travaille une crèche municipale dans une cité.
Nous cohabitions, jusque-là, avec les jeunes dealers du quartier sans trop de heurts, même si cela leur était déjà arrivé de casser la devanture de notre bâtiment pour jouer.
Mais l'affaire de Nanterre a déclenché une véritable guérilla urbaine : aucune limite, tout brûler, tout saccager, tout taguer. Bâtiments publics et privés. Voitures, camions, arrêts de bus, bibliothèque. Se vantant de détruire, fanfaronnant de terroriser.
Je vous raconte les nuits blanches, les tirs au mortier, l'odeur de brûlé, les cernes des enfants, leur peur des méchants qui ont brûlé leur poubelle. Le cœur qui s'accélère au moindre bruit suspect. Le bruit des sirènes, la peur quand elles résonnent trop près. Se tenir prêt à évacuer, ne pas laisser l'angoisse nous gagner. Continuer à jouer.
Je vous raconte mes collègues appelant les pompiers et qui se retrouvent à éteindre les feux avec des seaux car les soldats du feu sont trop occupés pour venir. Je vous raconte les vieux, à la terrasse du café qui les regardent sans oser les aider, et les jeunes qui ricanent contents de leurs forfaits.
Je vous raconte les fêtes des écoles, crèches et galas de danse annulés. Les bus qui ne roulent plus à partir de 19h30. Je vous raconte le centre Leclerc ravagé et fermé pendant deux jours en bas de chez moi. Je vous raconte les gens à nouveau confinés.
Je vous raconte des hommes, les suppliant de ne pas s'en prendre à leur voiture, à leur bâtiment. Une policière épuisée par trop d'interpellations durant la nuit laissant son enfant pour repartir au front. Une autre mère effrayée car les jeunes, ont baissé leur cagoule pour la dissuader de les dénoncer à la police : on va te retrouver !
Je pourrais en raconter beaucoup encore mais à quoi bon ? Plus on en parle, plus ils sont contents. Comme un enfant qui fait des bêtises pour attirer l'attention, ces jeunes pour la plupart mineurs, défient le Loi et les Institutions, comme s'ils étaient dans une fiction. Pourtant c'est pour de vrai que tout est ruiné.
Qui pour les sortir de leur toute-puissance ? Qui pour les réintégrer dans la société ? Qui aura le courage politique de les accompagner ? Notre travail de terrain, avec les éducateurs spécialisées, le centre social et la MJC ne suffit pas. Aidez-nous à les aider, s'il vous plaît !
Musique : Kaiser Chiefs : I Predict A Riot
https://youtu.be/6_SFCfi-7h4
12 avril 2024... Je relis votre appel à l'aide, ! Avec ces récents drames de collégiens, collégiennes, battus, tués pour de futiles et faux motifs, Pas de réponses... . ..
· Il y a 7 mois ·astrov
Toujours pas hélas...
· Il y a 7 mois ·sophiea
Dur et vrai, et les jours récents ( nous sommes le 20 octobre 2023) font tout aussi peur. Retraité de l'Education Nationale (administratif) j'ai vu évoluer !!!
· Il y a environ un an ·astrov
Hélas...
· Il y a environ un an ·sophiea
C'est bien dit, bien formulé et que dire de plus. Tout cela est bien triste. J'ai personnellement le sentiment d'une génération perdue en me demandant avec inquiétude ce que fera la prochaine. On appelle cela la décadence, la dégénérescence, c'est selon. Les raisons à tout cela ? Elles sont multiples et il faudrait trop de pages pour les nommer et pourtant nous les vivons chaque jour sans même plus les voir.
· Il y a plus d'un an ·daniel-m
Je ne sais plus que penser...
· Il y a plus d'un an ·sophiea
Vous comprendrez, Sophie, que je me refuse, par principe, à liker un tel texte.
· Il y a plus d'un an ·Pour autant, j'applaudis des deux mains, à la façon dont vous témoignez d'une réalité qu'on croirait davantage appartenir à Beyrouth ou Sarajevo qu'à la "ville lumière".
Laurent Cacciatore
Merci cher Laurent ! Quelle époque...
· Il y a plus d'un an ·sophiea
Un émouvant cri d'alarme sur cette frontière ténue entre civilisation et barbarie que les personnes de votre métier portent sur leurs épaules dans une totale et injuste indifférence. Les dirigeants des dernières décennies ont réussi le tour de force de faire en sorte que l'on ne se comprenne plus, trop occupés qu'ils étaient à gérer leurs minables intérêts personnels, et cette indigence, hélas, s'est érigée en modèle.
· Il y a plus d'un an ·enzogrimaldi7
Hélas, merci pour votre commentaire éclairé.
· Il y a plus d'un an ·sophiea