Désirs charnels
Chris Toffans
Intitulée "Inique en son genre", l'œuvre du diabolique Annibal Anthropov avait de quoi décontenancer, même pour le correspondant aguerri que j'étais. En entrant dans la salle d'exposition, je fus surpris non pas par la qualité ou la profusion des créations du maître, mais par leur absence la plus totale ! Rien. Pas une toile sur les cimaises, pas une seule sculpture ni le moindre dessin sur les murs. Par contre, au centre de la pièce, un gigantesque buffet attendait les visiteurs, garni de mille et une victuailles aux fumets alléchants.
Circonspects au départ, les convives finirent par se jeter littéralement sur ce festin opportun, commentant entre deux cocktails le vide sidéral qui les entourait. Pour ma part je préférais rester à l'écart d'une telle orgie, fidèle à mon habitude de ne rien consommer pendant le travail. Mais où était donc Anthropov ? Son absence n'avait en tout cas pas l'air de déranger tout ces morfals, à en juger par la façon obscène dont ils dévoraient les plats qui leur étaient servis.
Au fil de la soirée, le comportement des visiteurs évolua de manière étrange. De même que celui des serviteurs. Le regard de ces derniers s'anima d'un appétit lubrique, pour ne pas dire vorace, à l'endroit de leurs hôtes à demi hagards. Une lumière rouge baignait maintenant la pièce. Je notais tous ces détails avec exaltation, conscient que ce qui se passait sous mes yeux relevait du surnaturel.
Le grand hirsute chargé de fournir la boisson s'était approché des convives pour leur souffler quelques mots à l'oreille. Un murmure furtif, glissé avec désinvolture, mais qui ne manqua pas de déclencher des réactions pour le moins déroutantes. Progressivement, les hommes et les femmes ainsi stimulées se mirent à arborer de larges sourires, puis à retirer un à un leurs vêtements. Le sommelier était visiblement content de son effet. Sans coup férir, il se saisit de la plus jeune des femmes, pour la coucher violemment au milieu des agapes encore éparpillées çà et là sur la table du festin. Elle n'opposa aucune résistance, bien au contraire, offrant son corps cambré et ses formes généreuses aux désirs de son maître. Au comble de l'excitation, celui-ci poussa un hurlement inhumain, avant de se plonger gueule ouverte entre les jambes de la demoiselle en effervescence.
Quelle horreur ! Étais-je en train d'assister à un viol collectif ou au deuxième acte d'un spectacle de très mauvais goût ? Lorsque je vis le sang gicler je compris qu'il s'agissait de tout autre chose. Le sommelier fou se releva, brandissant entre ses dents pointues ce qui ressemblait à la moitié d'une cuisse. "Un beau petit bout de femme !" ricana-t-il à l'adresse de sa victime manifestement comblée. Depuis quelques minutes, un vieillard courait nu sous les projecteurs, brandissant un chapelet de saucisses à cuire cependant que son sexe ratatiné bringuebalait de façon ridicule entre ses jambes osseuses. Sa course folle fut stoppée net, dans un bruit effroyable de chairs arrachées. Le sourire aux lèvres, il regardait son épaule sectionnée, d'où pendaient quelques lambeaux de peau et de cartilage meurtri. "Eh le pique-assiette, t'as voulu bouffer à l'œil mais ça t'aura quand même coûté un bras !", s'esclaffa l'un des cannibales, qui dans un geste d'une brutalité féroce venait de lui subtiliser un membre.
Cette scène d'apocalypse n'était sans doute qu'une vaste plaisanterie, mais je n'arrivais pas à m'en persuader. Tout d'abord il y avait cette odeur inimitable d'hémoglobine, que je connaissais bien pour avoir travaillé autrefois avec mon père dans la boucherie familiale. Et puis il y avait Madame Frizon, notaire respectable et bigote devant l'éternel. Madame Frizon ne pouvait pas être là, dans son plus simple appareil, occupée à se caresser les seins en regardant l'un de ses bourreaux affûter la lame d'un couteau. Celui-ci sembla alors sentir mon regard et se tourna vers moi. Il lut immédiatement dans mes yeux que je n'avais pas participé au banquet et que mon esprit n'était donc pas affaibli par les substances toxiques dont il était imprégné. Panique. L'issue de secours était à quelques mètres de moi. Il fallait que je m'échappe tout de suite, avant qu'il ne soit trop tard. En deux enjambées, je me ruai sur la porte et poussai les deux battants avec frénésie. Je me croyais enfin sauvé mais dans la seconde qui suivit, je sus que le destin en avait décidé autrement. Ce passage ne m'avait pas conduit à l'extérieur, comme je l'avais espéré, mais au beau milieu des cuisines...
J'adoooore, ça m'donne des idées (pour exposer)....mdr...
· Il y a plus de 12 ans ·Apolline
Sauver son ex-peau.
· Il y a plus de 12 ans ·yl5
Qui l'eut cru?
· Il y a plus de 12 ans ·Marcel Alalof