Destin improbable

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Destin improbable

« Papa, papa, viens voir, ça y est, Crinière au Vent est en train de mettre bas ! » Orion arriva hors d’haleine devant l’atelier de son père qui sortit précipitamment, lâchant le harnais de cuir qu’il réparait. Le soleil n’était pas encore apparu à l’horizon que toute la famille était déjà sur pied. Epaphras et son fils n’avaient d’ailleurs pas dormi de la nuit, attendant avec impatience et une pointe d’inquiétude la délivrance de la magnifique jument noire. Elle était en effet sur le point de mettre au monde son premier poulain, et, ces derniers jours, sa nervosité avait été palpable. Une fine brise montait de la mer, faisant légèrement frissonner les corps autant d’excitation que de froid, car en ce petit matin de printemps, l’air était encore frais. Epaphras demanda à son fils de s’éloigner de la jument afin de ne pas l’importuner. Lui-même s’en tenait à une distance respectueuse, tout en étant prêt à intervenir pour lui porter secours si besoin était. Quant au futur père, on l’entendait piaffer dans son enclos en contrebas, ainsi que racler le sol rocailleux de son sabot, faisant s’élever un nuage de poussière dans les airs.
Au premier rayon de soleil, Orion ne put se retenir de pousser un petit cri en voyant apparaître les pattes avant du poulain alors que sa mère hennissait sous l’effort. Epaphras, de peur que la jument ne s’épuise, s’approcha calmement pour ne pas l’effrayer, avec des mots d’encouragement, et quelques prières d’usage aux dieux. L’animal tourna la tête vers lui, une pointe d’appréhension dans le regard, mais sembla comprendre les intentions de son maître et le laissa approcher, ses yeux exprimant maintenant une sorte de reconnaissance. Orion vit son père tirer fermement les pattes du poulain qui n’était apparemment pas pressé de sortir du corps protecteur de sa mère. Enfin, grâce aux efforts combinés de l’animal et de l’homme, un nouvel être vit le jour. Epaphras s’écarta rapidement afin de laisser Crinière au Vent faire connaissance avec son petit. Avec des gestes d’abord maladroits, elle entreprit de le débarrasser du placenta qui collait encore à lui, et bien vite son instinct de mère lui dicta les bons réflexes. Mais quelque chose n’allait pas, personne ne l’avait remarqué. Le poulain ne bougeait pas ; la jument avait beau le remuer, lui souffler sur la tête de ses naseaux, comme pour lui insuffler de l’air, cet air marin si vivifiant, rien n’y faisait, les dieux avaient semblé en décider autrement. Tonnerre du Matin pressentait lui aussi le malheur, sa nervosité et même sa colère étaient perceptibles, bien qu’il soit hors de vue. Orion frissonna en se disant qu’il ne voudrait pas être près de lui en ce moment. Le farouche étalon avait en effet un caractère bien trempé, typique de cette magnifique race grecque. Il poussa un long hennissement qui résonna dans toute la vallée et fit se relever la tête de la jument. On sentait la force et la colère, mais aussi le désespoir et l’impuissance. Après ce long cri, le calme s’abattit sur la longue plaine légèrement vallonnée qui descendait doucement vers la mer. Orion retint son souffle. Il sentait un sanglot monter dans sa gorge. Son père avait l’air épuisé. Même Thais, sa mère restée dans la petite maison de pierre pour préparer le repas du matin, semblait avoir suspendu ses activités. Pendant une seconde, le temps s’arrêta complètement. Et puis soudain, alors que tout espoir était perdu, un faible éternuement provenant de la frêle masse au sol se fit entendre. Crinière au Vent fut la première à réagir, son poulain était vivant ! Epaphras se précipita afin de masser le jeune animal, car ses poumons ne s’étaient vraisemblablement pas remplis d’air correctement à sa première inspiration, lui faisant perdre connaissance dans l’effort. Ce phénomène arrivait parfois. « Les dieux soient loués, s’écria-t-il, notre nouveau-né est bien vivant ! C’est un veinard celui-là, nous l’appellerons Echion, fils d’Hermès, messager des dieux et donneur de la chance. Echion est également le nom de l’un des vaillants compagnons de Jason ! Orion, va vite me chercher une couverture bien chaude afin de protéger ce petit chanceux ! » Le jeune garçon, comme fouetté par l’ordre de son père, fila dans la remise et en ressortit quelques secondes plus tard. Il se précipita vers le poulain chétif pour le recouvrir avec le morceau d’étoffe. Le fragile animal leva la tête vers lui, et ses grands yeux un peu effrayés fixèrent les siens, comme s’il ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Crinière au Vent laissait faire les hommes, tout en encourageant instinctivement son petit à tenter de se lever. Mais le poulain n’avait d’yeux que pour Orion, reconnaissant en ce jeune garçon d’une dizaine d’années son semblable. Orion était quant à lui tout aussi fasciné par l’animal dont la frêle constitution contrastait avec une vive intelligence dans le regard ainsi qu’une grosse tête à la forme presque bovine. « Eh bien, on dirait que vous allez bien vous entendre tous les deux ! » Epaphras avait l’air satisfait, et après s’être assuré que le jeune poulain ne manquait de rien, il fit signe à son fils de le suivre. « Allons, rentrons annoncer la bonne nouvelle à ta mère, et puis tu dois être affamé après toutes ces émotions, non ? » Orion se découvrit en effet une faim de loup, mais il n’avait pas envie de quitter le nouveau-né. Son père, devinant sa pensée, lui expliqua que Crinière au Vent devait rester seule avec son petit pour s’occuper de lui. Il lui promit cependant de lui laisser prendre part à son dressage, ce que le garçon accueillit avec bonheur. Il courut vers la maisonnette pour annoncer la nouvelle à Thais. Epaphras était content lui aussi, il pressentait un bel avenir au poulain, et comptait bien apporter une attention particulière à son domptage. Mais il avait pour l’heure beaucoup à faire pour s’occuper des autres chevaux de son élevage, d’autant que Theron le marchand devait bientôt revenir pour acheter des étalons pour le compte de quelques riches Athéniens. Il espérait ainsi tirer un bon prix de Tonnerre du Matin, de son frère cadet et de quelques autres animaux parmi ses plus robustes. Il aimait chacun de ses chevaux, et il était toujours difficile de s’en séparer, mais ils étaient aussi très prisés. Theron ainsi que d’autres marchands répétaient que les acquéreurs étaient vraiment admiratifs de la force des animaux, mais aussi de leur grâce, et de leur bon dressage. La renommée de son élevage était grande dans toute la Grèce et même au-delà. La Thessalie était l’une des rares régions où l’élevage des chevaux était possible, et Epaphras était l’héritier d’une longue tradition de dresseurs. Cependant il n’était que l’un des nombreux pénestes des alentours, et le domaine ne lui appartenait pas. Comme beaucoup de ses compatriotes, il avait dû quitter son pays natal et trouver un seigneur à servir pour survivre. Avec Dimosthénis, il avait eu de la chance. C’était un maître certes sévère, mais juste, qui savait reconnaître le talent d’Epaphras, et lui laissait une certaine liberté d’agir. Il lui était même permis de disposer de quelques animaux pour son commerce personnel. Dans quelques années, Orion prendrait sa suite, même s’il restait au garçon encore beaucoup à apprendre. Il devrait d’abord perdre cette habitude de trop s’attacher aux animaux. Epaphras allait tester les compétences de son fils avec ce jeune poulain…

Après une première jeunesse marquée par une grande vulnérabilité et quelques phobies, Echion était devenu un magnifique étalon. Il hérita de la force de son père et de l’intelligence fine de sa mère, grâce aux soins attentifs d’Orion, lui-même devenu un robuste jeune homme. Epaphras, même s’il le comprenait, désapprouvait le trop grand engagement de son fils pour l’animal, délaissant les autres chevaux de l’élevage, alors que, comme la plupart d’entre eux, il serait à son tour vendu un jour ou l’autre. Peut-être irait-il même finir sur un champ de bataille : si la Thessalie était réputée pour ses chevaux, sa cavalerie était un atout de poids pour ses alliés, et inspirait la crainte chez ses ennemis. Des troupes de mercenaires trouvaient sans peine à louer leurs services auprès de puissants souverains ou de riches cités commerciales. Ainsi Tonnerre du Matin avait été vendu au chef de l’une de ces bandes et en était devenu la fierté. Son fils allait-il connaître la même gloire ? Orion ne voulait rien savoir, il n’imaginait pas que « son » cheval, ou plutôt son ami, puisse lui être arraché un jour. D’ailleurs, le lien était tellement fort entre le jeune homme et l’animal que ce dernier n’acceptait qu’avec réticence d’être monté et soigné par quelqu’un d’autre qu’Orion. Epaphras avait au début laissé faire, espérant que son fils se lasserait vite, car après tout, Echion n’était pas l’animal le plus impressionnant de l’élevage avec sa tête carrée et son caractère imprévisible. Mais le cheval et le jeune homme avaient développé une relation spéciale, et même si l’éleveur avait réussi jusqu’à maintenant à retarder la vente de l’étalon, il ne pourrait le faire indéfiniment, car il promettait de rapporter une belle somme d’argent. Dimosthénis n’allait certainement pas tarder à venir inspecter son troupeau, et, avec Epaphras, décider quels seraient les animaux prêts à être négociés avec les marchands.

    Orion était effondré. En effet, après la visite du maître du domaine, ce dernier avait décidé qu’Echion ferait partie du prochain groupe de chevaux destinés à la vente. Certains seigneurs du nord, dont le plus valeureux d’entre eux, un Macédonien, avaient émis le souhait d’acquérir de puissants étalons, pour leur usage personnel, mais aussi pour leur cavalerie. Les chevaux thessaliens n’avaient jamais déçus leurs acquéreurs, car ils étaient non seulement vigoureux, mais aussi travailleurs, courageux, et ne connaissaient pas la peur. Orion était cependant bien loin de ces préoccupations, car pour lui, seul « son » cheval comptait, et il ne pouvait se résoudre à le voir partir. « Je comprends ta tristesse, le consola son père, mais tu dois être fort, ce n’est pas le dernier cheval auquel tu t’attaches que tu verras partir. Tu n’es plus un enfant depuis longtemps, et tu savais dès sa naissance qu’Echion nous quitterait un jour. Maintenant, il faut le préparer au mieux au long voyage qui l’attend ! A moins que tu ne possèdes les quelques talents qu’il ne manquera pas de rapporter ! » Orion ouvrit grand les yeux au prix annoncé par son père, car jamais il ne pourrait rassembler une telle somme. Il était aussi malheureux à l’idée que son père ne paraissait pas comprendre que son attachement pour l’étalon dépassait le simple sentiment d’appartenance. Le lien qui les unissait était bien réel, aussi improbable que profond. Mais que faire contre l’inéluctable ?

Le jeune homme prit sa décision. Echion ne serait pas vendu, il fuirait avec lui. Il savait sa décision puérile, et que son geste risquait de nuire à ses parents, contre lesquels le maître pourrait se venger ; après tout, les pénestes étaient presque des esclaves. Mais Dimosthénis était quelqu’un d’intelligent, et il saurait reconnaître le talent d’Epaphras. Dès lors il ne fallait plus hésiter. Theron le marchand serait bientôt là, et Orion se devait d’agir au plus vite, afin de ne pas attirer de soupçons. En quelques jours il rassembla dans le plus grand secret quelques affaires, un peu de nourriture, des outres en peau de bouc pour l’eau, quelques ustensiles et un harnais. Alors que ces préparatifs allaient bon train, un messager se présenta au domaine. Les nouvelles étaient mauvaises. En effet, les Macédoniens voisins se montraient belliqueux, et ordre était donné aux combattants thessaliens de réunir la cavalerie. Dimosthénis se devait de se préparer au combat. Quelques pénestes l’accompagneraient. Orion fut choisi à la place d’Epaphras, irremplaçable pour s’occuper des chevaux. Mais on ne lui permettrait jamais de monter Echion, trop noble pour le jeune homme. Il n’y avait donc plus un instant à perdre.
Le lendemain matin, bien avant que le soleil ne pointe à l’horizon, le jeune homme sortit doucement de la maison, se dirigea à la lumière des étoiles vers l’écurie, d’où il entendit un cheval piaffer d’impatience. Il sourit : Echion était déjà réveillé, et à son excitation, il semblait bien qu’il pressentait le dessein de son ami. Ou bien pensait-il déjà à la guerre qui approchait ? Orion rejeta cette dernière pensée, mais se dit que la Macédoine serait un bon asile, car, au vu des circonstances actuelles, personne ne l’y poursuivrait. Il prit ses affaires cachées sous des bottes de foin derrière l’écurie, avant d’y pénétrer avec précaution, sans faire de bruit. Il harnacha ensuite le cheval qui se laissa faire docilement, comme s’il avait compris que le moindre son pourrait les trahir. Tout se déroula sans encombre, et en quelques minutes, c’est avec un pincement au cœur qu’Orion laissa derrière lui le domaine, à la fois son foyer et sa patrie, lui qui ne l’avait jamais quitté.

Epaphras n’en croyait pas ses yeux : la fuite de son fils avec ce maudit cheval ne faisait aucun doute. L’absence avait rapidement été signalée à l’écurie, et Dimosthénis avait déjà donné des ordres pour organiser la poursuite des fugitifs. Il était furieux. Le dresseur également, même s’il comprenait quelque peu son fils ; mais ce n’était pas une raison suffisante, Orion manquait à son devoir de péneste en désertant, et se rendait coupable de vol. Gare à lui s’il se faisait rattraper. Epaphras était sûr qu’il serait assez intelligent pour aller là où on n’irait pas le chercher, vers le nord. Le maître avait la même idée, mais, aveuglé par la colère, il comptait bien lancer la poursuite dans toutes les directions. Il lança cependant la plus grande partie de ses hommes, armés, vers le nord, espérant qu’ils ne feraient pas de mauvaise rencontre.

La première excitation passée, et à présent qu’il était seul et loin de ses proches, Orion se demanda si son geste n’avait pas été complètement irréfléchi et irréversible. Il se rendait compte seulement maintenant des conséquences de son action ; être banni, ne jamais revoir les siens, vivre avec la honte de s’être lâchement enfui. Echion en valait-il vraiment la peine finalement ? Il faisait une pause, le cheval se tenait fidèlement près de lui, le regardant comme s’il comprenait ses états d’âme. L’animal colla son museau contre le visage du jeune homme et souffla doucement, comme pour murmurer qu’il était temps de repartir. Orion caressa la grosse tête disgracieuse de l’étalon en le flattant comme il en avait l’habitude, avant de sauter sur son dos pour reprendre la route. Il souhaitait en effet atteindre les montagnes avant la nuit afin d’y trouver un refuge relativement sûr dans une grotte. Il souhaitait également, en prenant de la hauteur, s’assurer qu’il n’était pas poursuivi.
Les nuages s’amoncelaient dans le ciel. Les anciens disaient souvent que le temps dans la montagne pouvait changer rapidement, mais Orion n’y prenait garde, il voulait d’abord mettre le plus de distance possible entre lui et le domaine du Dimosthénis. Plusieurs fois déjà des voix lui étaient parvenues, faisant échos sur les parois rocheuses de plus en plus hautes et abruptes. S’agissait-il de poursuivants éventuels ? D’éclaireurs adverses, ou bien simplement de quelques montagnards peuplant cette région ? Mieux valait dans tous les cas se faire le plus discret possible. Le chemin montait toujours, il faisait plus frais maintenant. La végétation se raréfiait, et Orion ne trouvait aucun endroit propice à un bivouac. Il sentait Echion devenir nerveux après cette longue chevauchée à laquelle l’étalon n’était pas habitué. L’air devenait de plus en plus lourd, même Orion comprenait maintenant que l’orage risquait de les surprendre, seuls, en territoire inconnu. Il fallait donc trouver un abri coûte que coûte. Mais en se retournant pour apprécier le chemin parcouru, le jeune homme aperçut au loin dans la plaine qu’ils avaient quittée à peine quelques heures auparavant un petit nuage de poussière au-dessus de silhouettes mouvantes. En se concentrant bien, il lui sembla même reconnaître son père parmi les cavaliers. Pas de doute, il fallait faire vite pour échapper aux poursuivants tenaces. Un courant de panique traversa brusquement le corps et l’esprit d’Orion : il ne parviendrait jamais à les distancer… Mais il le fallait pourtant, aucun autre choix ne s’offrait à lui à présent, il ne pouvait plus reculer.
Peu de temps après, alors qu’il faisait de plus en plus sombre, l’orage éclata, subitement, férocement. Orion ne savait plus que faire, et ce fut son cheval qui prit l’initiative. Instinctivement, il partit au galop comme pour éviter les grosses gouttes qui commençaient de tomber du ciel. Le jeune cavalier se cramponna difficilement aux rênes. Il demanda à l’animal de ralentir, mais au contraire, celui-ci força l’allure. Orion sentait qu’il perdait le contrôle, et pour la première fois de sa vie, éprouva de la colère pour l’étalon. Il se mit à hurler, à lui talonner les flancs, ce qui n’eut pour effet que d’affoler l’animal, alors que la foudre frappait tout autour d’eux. Soudain, au détour d’un énorme rocher, la foudre tomba dans un fracas de fin du monde tout près du couple terrifié. L’éclair déchira le ciel, comme si Zeus en personne voulait surprendre et punir les deux fuyards. La décharge fut si violente qu’en l’espace d’une fraction de seconde il fit aussi clair qu’en plein jour, laissant apparaître une immense falaise à quelques mètres seulement du cheval et de son cavalier. Avant de tomber et de perdre connaissance, Orion ne vit que son ombre terrifiante et démesurément grande contre la falaise, ne faisant qu’une avec celle de l’étalon qui se cabrait, telles un centaure géant sorti tout droit des Enfers.

A son réveil, tout était redevenu calme. Le soleil pénétrait par une fenêtre. Il reconnaissait la pièce principale de sa maison. Qu’avait-il bien pu se passer ? Il voulut se lever, mais ses jambes refusèrent de le porter et il tomba, entraînant dans sa chute une cruche remplie d’eau encore fraîche. Son père se précipita, attiré par le bruit. « Les dieux soient loués, te voilà enfin réveillé mon fils. Tu nous as donné bien du souci. Nous t’avons retrouvé il y a trois jours dans les montagnes, grâce aux hennissements désespérés d’Echion. Comme tu viens de t’en rendre compte, tu n’as plus l’usage de tes jambes. Je ne sais pas ce qui s’est passé là-haut, mais quand on vous a enfin retrouvés, l’étalon était complètement affolé, en faisant face à une falaise. Dimosthénis était furieux contre toi, mais en voyant ton état, il a généreusement décidé de ne pas te punir davantage. Quant à Echion, il a déjà été vendu, tu ne le reverras plus. Maintenant, repose-toi, mon fils. »
A ces paroles, Orion sombra dans le désespoir, son monde s’écroulait. Mais il n’aurait su dire quel était le plus grave, de la perte de l’usage de ses jambes ou de celle de son ami. Son état le condamna à rester au domaine, à la charge de ses parents, désespéré par le tracas et le travail supplémentaire qu’il leur imposait maintenant. Cependant, jamais ils ne lui reprochèrent quoi que ce soit. Il apprit plus tard qu’Echion avait été vendu à Theron le marchand, tout heureux en pensant à la somme qu’il retirerait du magnifique étalon. Mais suite aux évènements tragiques de la montagne, le cheval s’avéra impossible à dresser, il paniquait souvent de manière incompréhensible, et n’acceptait plus aucun cavalier. Un certain Philonicos en fit l’acquisition. Il le proposa alors au roi de Macédoine, qui, en voyant sa sauvagerie, et malgré sa force et sa beauté, refusa de l’acheter. Contre toute attente, son fils réussit à dompter le farouche étalon. Le tout jeune Alexandre avait vite compris que le cheval avait simplement peur de son ombre. Echion avait ainsi trouvé son nouveau maître, son nouvel ami, qui le renomma Bucéphale, et avec qui il allait conquérir le monde.

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