Dieu, himself.

Hervé Lénervé

Encore de la religion, alors ? Ben ouais, un peu mon n’veux !

Plus jeune, j'avais des hallucinations, vite fait, rien de bien méchant, comme tout le monde, quoi. Des ombres imparfaites qui glissaient d'une pièce à l'autre dans ma chambre de bonne d'un seul tenant. Des paroles incompréhensibles, dans une langue non répertoriée, mais dans mes oreilles, quand même. Des apparitions théâtrales de saintes peintes à la détrempe dans une lumière céleste… que du basique grand guignolesque de l'iconographie classique de la bondieuserie ! Mais je m'y étais habitué et je vivais avec elles, sans leur prêter plus d'importance qu'elles n'en méritaient pas.

Puis avec le temps les visions, les voix, les impressions se sont précisées. Et pas plus tard que ce matin Ante Meridian, Dieu est venu me visiter, moi qui suis un mécréant de sixième génération, plus une marche arrière avec caméra de recul.

-         Hello Hervé, I'm God, himself !

Putain ! Dieu parle la langue du commerce international, maintenant ! Et depuis que je ne travaille plus, mon anglais a pris du Gin dans ses cales, aussi je vous traduis en bon gaulois, ce que j'ai à peu près compris. Je lui répondais en français pour lui signifier clairement que je ne cédais pas aux effets de mode des tendances tendancieuses.

-         Enchanté, moi, c'est Hervé en personne, aussi !

-         Je le sais bien, voyons, puisque je sais tout ! Je suis l'omniscience incarnée du gros doigt de pied. (Là, je ne suis pas certain de la traduction.)

-         Ce doit être chiant de ne rien avoir à découvrir.

-         Certes, Très cher !

Oui ! Dieu est précieux et snob comme un roastbeef.

-         Que me vaut l'honneur, mon gars ?

-         Voilà, j'ai un service à te demander, mon fils.

Cela m'aurait étonné qu'il ne me demande rien, celui-là. Dieu est intéressé et très profiteur. Quand il vous apparaît, il faut, soit bouter les roastbeefs hors de France métropolitaine, soit aller trucider du païen dans les pays de nos destinations touristiques.

-         Dis toujours, machin !

-         La foi sur Terre est en régression, j'ai besoin d'une âme dévouée prête à se sacrifier pour la bonne cause, la mienne, par Dieu !

-         Oh, moi, les sacrifices, j'ai déjà donné, je suis marié !

-         Non, là, c'est encore pire comme don de sa personne.

-         Eh, je donne déjà aux restos du cœur tous les ans, bidule ! je ne suis quand même pas l'abbé Pierre Bellemare ou le Père Michel.

-         Mais n'as-tu pas envie de faire une grande chose dans ta vie dérisoire.

-         Non !

-         Oh, moins, tu assumes ton manque d'ambition, ton état d'insecte insignifiant et dérisoire.

-         Oui !

-         Donc, je ne te dis pas le deal ?

-         Non ! pas intéressé, j'ai déjà tout ce qu'il faut. Au revoir monsieur Trucmuche, un bisou à madame, une caresse à vos anges !

Et je lui ai fermé la porte au nez. C'est quand même chiant d'être cinglé-maboul avec des hallucinations à la con.

Le lendemain, mon voisin me dit, qu'il l'avait vu aussi, l'hurluberlu barbu en toge et tongs, discuter avec moi sur le pas de ma porte. Merde ! C'était le vrai Dieu, himself, alors, pas une holographie hallucinatoire ! C'est con, j'aurais pu le laisser entrer quand même, car j'avais des questions existentielles essentielles à lui poser à propos des régimes de retraites.

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