Discours officiellement sérieux

« Je le vois ! C'est un lobe. D'oreille. Mais, cela vous vous en doutiez. Nous ne somme pas réunis ici, dans cette salle où planent encore les sonores échos de nos illustres et glorieux ancêtres pour discourir sur de futiles et oiseux propos sportifs mal orthographiés. Parler ici de tennis, de balles bondissantes et stupides – mais, qui, par chance, ne tuent pas –, d'un filet stérile incapable de nourrir le pêcheur, ce filet qui laisse finalement la cohorte inerte, dégoulinante de sueur, juste bonne à infecter de ses putrides odeurs l'air jadis si pur.

Non ! Ce n'est pas dans ce but que je vous ai convoqués, à cette heure tardive. Les braves gens – honnêtes et travailleurs – depuis longtemps couchés, emmitouflés sur leur couche, ont même renoncé à tout ébat nocturne. Brouhaha dans la salle. Oui, Mesdames et Messieurs, il est si tard que l'Amour même est banni des frileuses demeures conjugales, des timides chambres nuptiales. Seul le démon lubrique du Sexe règne désormais dans les bordels et les obscures ruelles, où de vieilles demoiselles dégénérées monnayent leurs culs à grand renfort de rires désenchantés et de maquillages outranciers.

C'est l'heure des débauchés ! Pourtant, nous n'appartenons pas à cette vile engeance ! Si nous sommes ici réunis, c'est que l'heure est grave ! Ne nous leurrons point ! Elle peut devenir tragique ! Le temps est venu, après ce long repos, cette tranquille torpeur, cette profonde quiétude de nous éveiller, de sortir de nos sépulcres afin de ne pas nous laisser dévorer, engloutir par ceux qui, sans vergogne, voudraient nous contraindre au silence !

C'est pourquoi, comme moi, vous devez le voir ! Il est blanc, pur, monumental. Ce lobe d'oreille, regardez-le ! Il vous protégera de la peur, de la solitude et de la haine. Parlez-lui et il vous entendra !

Un vacarme immense retentit.

Mais, qu'entends-je ? D'où provient cette agitation ? Qui ose un tel remue-ménage ? Ce sont eux !

Cris de peur.

Ce sont eux ! Horreur ! Comment osez-vous faire ainsi irruption ? Vous introduire dans ce lieu saint ! Vous prétendez, sans vergogne, à notre barbe, qu'il existe mieux que le lobe... Le nez ! »