Disparition
leila
Leila se sent légère dans sa courte jupe blanche, immaculée. Leila s’accroche au sol, marque la cadence, alourdit le pas, car Leila a peur du vent, elle sait que son cœur risque l’envol par tous les temps. Elle danse près de la mort. À la bordure du périphérique, elle embrasse la mort pour mieux tuer l’amour.
À l’aise dans la démesure.
Elle espère, attend, s’engage vers le croisement. Carrefour de tous les possibles.
Son corps se dérobe au tracé droit de la ligne grise.
Le vent soulève sa jupe, pénètre entre la sandale et la peau froide, entre les vides de ses orteils gelés. Aucun coup de feu n’aura bafoué le silence religieux de ce matin endeuillé, pourtant des oiseaux s’enfuient, à toute allure, dans la même direction. Elle a l’impression qu’il l’a regarde, et que son regard les fait partir. Le cri des oiseaux donne de l’élan au cri de son âme, le cri des oiseaux donne de l’élan à son corps qui rêve de voler, aussi.
Au dessus de sa tête, plane une atmosphère sinistre, admirable comme le suicide.
Malgré le départ des oiseaux, malgré son inertie, elle se sent libre. Elle n’étouffe pas, murée dans une boule de naphtaline géante. Elle se sent protégée des bouts tranchants, pointus, auxquels elle se cogne d’habitude, volontairement, pour se sentir vivante. Elle se sent à l’abri d’elle-même et des bouts aigus, blessants, qu’elle rencontre pour que le sang coule, pour que le bleu reste, encore, au ciel comme au corps.
Boule de naphtaline en érosion, sous un regard inquisiteur.
Saignée cathartique. Sous la cape des anges.
Regard fulminant qui entaille le cocon, lézarde la masse toute ronde, toute douce. Le plafond craquèle par endroits, et en dessous, ses rotules flanchent sous le poids de la mansarde écroulée.
Il y a un prix à payer après l’extase. Effet boomerang de la servitude, avilissement des mains fragiles après les mouvements brouillons des brûlantes étreintes.
Les sentiments lourds à porter surplombent le parterre des souvenirs bien ordonnés et ne laissent rien dépasser. Les sentiments lourds à porter défoncent le parquet placide. La geôle s’effrite toute entière. La geôle se dématérialise en quelques secondes.
Disparition.
Elle s’assoit sur le petit mur en béton, regarde couler le bain multicolore des automobiles qui découpent le silence et filent tout droit dans le ventre du soleil.
Pour sûr c'est bien écrit, cette fragilité mêlée à la beauté de la narration...bienvenue et au plaisir de lire d'autre textes !!!
· Il y a environ 14 ans ·leo
Mille mercis de vos lectures attentives et de votre chaleureux accueil.
· Il y a environ 14 ans ·leila
Très en image, on la sent légère et en même temps accablée par on ne sait quels secrets, quelle vie lourde à porter ... beau 1er texte sur WLW, bienvenue !
· Il y a environ 14 ans ·selig-teloif
J'adore surtout la dernière phrase. L'image est splendide.
· Il y a environ 14 ans ·bibine-poivron
Se sentir vivant, et si s'était finalement le seul but valable de toutes existences, bon texte.
· Il y a environ 14 ans ·lapoisse
Merci à vous qui êtes mon premier lecteur.
· Il y a environ 14 ans ·leila
C'est très beau!
· Il y a environ 14 ans ·ko0